Jusqu'à sept juges du tribunal de commerce de Quimper, dont la compétence a été contestée dans la liquidation du volailler Doux, se trouvent en situation de conflit d'intérêts "potentiel" dans ce dossier, selon une enquête du quotidien régional Le Télégramme parue lundi
Le tribunal a été vivement critiqué, notamment par les syndicats, après sa décision, au début d'août, de rejeter une offre de reprise globale du groupe de Châteaulin (Finistère) déposée par Sofiprotéol et surtout de séparer, comme le souhaitait la famille Doux, le pôle frais, déficitaire, des autres activités du groupe.
Or, selon Le Télégramme, dans une article intitulé "Des juges sous pression[s]", sur les seize juges consulaires du tribunal quimpérois, au moins deux se trouvent en conflit d'intérêts "flagrant" au vu de leurs liens avec le groupe, tandis qu'un soupçon de conflit "potentiel" pèse sur cinq autres. Le tribunal de commerce compte dans ses effectifs un haut dirigeant du volailler, son directeur juridique. Le groupe a assuré dans un communiqué que ce responsable n'était plus juge mais, relève le journal, "sur le site du greffe du tribunal de commerce, le nom de ce dirigeant figure toujours parmi les juges en activité".
UN CONFLIT D'INTÉRÊTS "MANIFESTE"
Le Télégramme révèle par ailleurs le cas d'un "cogérant d'un cabinet d'expertise comptable en lien direct avec le volailler". "Les deux cogérants de ce cabinet sont, en fait et depuis vingt ans, les principaux commissaires aux comptes du groupe Doux", souligne le journal, pointant un conflit d'intérêts "manifeste".
Parmi les cinq autres juges pour lesquels le journal croit déceler un conflit d'intérêts potentiel, quatre "dirigent, ou ont dirigé, des entreprises en lien avec l'industrie agroalimentaire et même, parfois, directement avec la filière volaille". Le Télégramme déplore que les juges consulaires ne soient pas tenus de déposer de déclaration publique d'intérêts et que "toutes nos sollicitations, répétées et appuyées (...) sont restées vaines".
Le journal ne relève cependant, parmi les juges consulaires évoqués, qu'un seul cas où l'un d'eux aurait "directement participé aux décisions engageant l'avenir du volailler". Le tribunal de commerce et le parquet de Quimper n'ont pas souhaité commenter ces informations.
"PROXIMITÉ DU TRIBUNAL DE QUIMPER AVEC CHARLES DOUX"
En juillet, plusieurs élus locaux, dont le député UMP Marc Le Fur, la conseillère régionale UMP Bernadette Malgorn et la maire UMP de Châteaulin Gaëlle Nicolas, avaient exhorté le tribunal à rejeter l'offre de Sofiprotéol, au profit de la famille Doux, rappelle Le Télégramme. A la fin d'août, Xavier Beulin, président de la FNSEA et candidat malheureux à une reprise globale de Doux avec Sofiprotéol, avait douté de la "capacité" du tribunal de Quimper à traiter ce dossier et souhaité qu'il soit tranché "à un autre niveau".
Raymond Gouiffès, délégué central CGT du groupe, avait déploré "la proximité du tribunal de Quimper avec Charles Doux et sa famille" et dénoncé "beaucoup d'imbrications". Le tribunal de commerce a validé le 10 septembre des offres de reprise partielle du pôle frais de Doux avec la reprise de seulement 700 emplois sur 1 700. Pour le reste de la société Doux, que la famille du même nom, épaulée par la banque Barclays, veut continuer à exploiter, la période d'observation a été prolongée jusqu'au 30 novembre, comme le souhaitaient ses dirigeants.
Groupe Doux : la reprise de cinq sites confirmée par la justice