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16 avril 2010 5 16 /04 /avril /2010 09:47
LCR Belgique
Par Sébastien Tank-Storper le Jeudi, 15 Avril 2010


 

 

 

Dans le cadre du débat autour du port du foulard dans le contexte de la crise capitaliste et d'une montée de l'islamophobie, nous publions ci-dessous de larges extraits d'une étude du sociologue français Sébastien Tank-Storper, parue sur le site de la revue ContreTemps, fondée par notre camarade Daniel Bensaïd.

 

L'auteur y questionne les interprétations dominantes sur la signification du port du foulard dans nos sociétés. Dans ces dernières, il serait en outre, selon lui, une des expressions de la « recomposition » des phénomènes religieux par les individus:

 

«L'obsession à ne voir dans le voile qu'un seul et unique signe d'oppression en lieu et place d'un phénomène complexe mêlant contrainte parentale certes, mais également volonté de distinction, mysticisme, détournement des contraintes familiales liées à la pudeur et à l'espace public, etc., démontre ainsi à quel point c'est bien l'idée que le port du voile puisse être librement choisi par des jeunes filles par ailleurs parfaitement en phase avec la culture française qui pose en elle-même problème. Le fait que ces jeunes filles puissent construire leur individualité en mobilisant des signes religieux, c'est-à-dire à partir de ce contre quoi l'idée de citoyenneté s'est, en France, historiquement construite, se révèle ainsi, dans l'espace français, tout simplement impensable ». L'article complet peut être consulté sur le site


http://www.contretemps.eu/interventions/voile-caetera (LCR-Web)


(...) L'argument est relativement simple : le voile (qu'il soit intégral ou pas) est un « […] symbole qui, sous toutes les latitudes, signifie ségrégation entre les sexes, invisibilité du corps dans l'espace public, statut de second rang pour les femmes. » Et de citer ensuite le combat de femmes qui, en Iran ou en Algérie, témoignent de l'oppression que leur impose l'islam à travers le port du voile.


Cet argument, souvent repris par les militants laïcs et prohibitionnistes, renvoie ainsi dos-à-dos une pratique vestimentaire au sens univoque et universel (« sous toutes les latitudes » le voile est sans nuance ni subtilité aucune un symbole d'oppression féminine) à une laïcité essentialisée (et paradoxalement érigée en trait « d'identité nationale ») facteur d'émancipation.


Ce type de posture n'est cependant pas exempt de contradictions. Rappelons tout d'abord que l'ensemble des enquêtes menées par des sociologues ou des anthropologues auprès de jeunes filles voilées met en évidence le caractère majoritairement choisi du port du voile (Kakpo, Liogier, Roy, Weibel). Or de deux choses l'une. Si le voile est choisi, la prohibition semble difficile à justifier dans le cadre d'un état laïc, sauf à invoquer le trouble à l'ordre public (mais qui ressort alors d'un autre registre argumentatif), ou à inverser les termes de la laïcité en faisant peser l'impératif de neutralité non plus sur les institutions, mais sur les individus. Ce qui n'est pas du tout la même chose, et qui mériterait pour le moins un débat explicite.[1]


Par ailleurs, dans les cas où le voile est imposé aux femmes par leurs maris, leurs parents ou leurs frères, la conséquence la plus probable de la prohibition, loin de l'émancipation recherchée, sera plus probablement le confinement de ces femmes dans la sphère domestique. À dénoncer la montée du « communautarisme », on l'organise en séparant les individus les plus éloignés des normes de la neutralité laïque.


L'un des effets paradoxaux de la politique d'exclusion des signes religieux à l'école, menée au nom de l'émancipation des jeunes filles musulmanes du joug de leur tradition, qui rompait avec une l'ancienne posture implicite « d'accommodement raisonnable » jusque-là en cours dans les établissement scolaires, fut par exemple le départ, à partir de 1994, de certains élèves de religion juive parmi les plus pratiquants vers le réseau scolaire juif, dans la mesure où les demandes de conciliation des familles vis-à-vis des contraintes liées à la pratique de leur religion (qui jusque-là ne posaient pas plus de problème que cela) ne pouvaient plus être entendues.


Comparer la situation des femmes algériennes ou iraniennes qui subissent une pression coercitive pour porter le voile à celle des femmes musulmanes en France qui, à l'inverse, sont plutôt encouragées à ne pas le porter, semble ainsi un peu réducteur, sauf à souligner l'effet miroir de dispositifs visant à contrôler les pratiques vestimentaires des femmes. Il pourrait sembler au contraire plus légitime de poser la question en terme de libre choix des femmes, plutôt qu'en terme de prohibition ou d'imposition.


Le sens du port du voile diffère sensiblement selon que l'on est dans un pays où l'islam est dominant comme il l'est en Iran ou que l'on est dans un pays laïc et sécularisé où l'islam est minoritaire et où le religieux a cessé d'organiser les rapports sociaux. Concernant la visibilité du corps des femmes voilées dans l'espace public dans un pays comme la France par exemple, où le voile est socialement stigmatisé, ne pourrait-on pas argumenter au contraire qu'il rend le corps des femmes qui le portent plus visible qu'une mini-jupe ? Faut-il comprendre à travers les discours de condamnation sans nuance du voile et des femmes qui le portent qu'il n'y aurait qu'une seule et unique manière légitime de rendre son corps visible (et donc émancipé ?) dans l'espace public ? Cela passerait-t-il nécessairement par le « dévoilement » du corps ?


Outre qu'une telle vision de phénomènes sociaux émergents et complexes est intellectuellement stérile (circulez, il n'y a rien à penser), essentialiser le voile, et l'islam en son ensemble, comme intrinsèquement porteurs de domination masculine, n'est pas nécessairement rendre service aux femmes des différentes traditions religieuses (chrétiennes, musulmanes ou juives) qui militent pour l'abolition des principes inégalitaires de leurs différentes traditions. C'est placer ces femmes devant une alternative qu'elles ne veulent ou ne peuvent pas nécessairement assumer : soit être musulmanes (ou juives orthodoxes) et dominées, soit être « occidentales » et émancipées. En somme, il s'agit de contester à ces femmes toute possibilité d'émancipation par elles-mêmes, pour elles-mêmes et de leur lieu propre. Point de vue d'ailleurs que les plus hostiles à l'émancipation des femmes au sein de l'islam (et des autres traditions religieuses comme le judaïsme ou le christianisme) auraient tendance à approuver...


Le fait que ces quelques objections de bon sens aient du mal à être entendues aujourd'hui incitent à penser que le questionnement sur le port du voile en France ne s'intéresse pour ainsi dire pas au destin concret de ces jeunes filles ni à comprendre leurs motivations. Il s'avère ainsi difficile de sortir d'une posture normative (le voile c'est mal !) et de s'inscrire sereinement dans une posture compréhensive : par delà l'éventuelle désapprobation de ce type de phénomènes, que peuvent-ils nous apprendre des recompositions à l'œuvre dans la société française concernant les identités religieuses, leur insertion dans l'espace public, leur rapport aux identités individuelles, à la citoyenneté, etc. ? Question qui, ainsi posée, est pourtant déjà perçue comme une défense du voile (ce qui n'est pourtant la plupart du temps pas le cas). (...)


La religion n'est plus ce qu'elle était...


En somme, on fait aujourd'hui comme si l'influence des religions sur la société était celle qu'elles avaient avant la Révolution française, et on traite l'islam, religion minoritaire d'une population souvent marginalisée socialement et économiquement, comme on a traité le catholicisme, religion autrefois majoritaire et institutionnellement hégémonique. L'argument de la « prise de pouvoir » des fondamentalistes musulmans sur l'école, le chiffon rouge de l'islamisation de la société française ou du « retour » des religions jouent sur ce registre symbolique qui a longtemps mobilisé l'action politique d'une partie de la gauche française issue du combat laïc.


Or la société française a connu depuis 1950 un incontestable mouvement de sécularisation dont les principales conséquences sont l'effondrement et la pluralisation des pratiques et des affiliations religieuses d'une part, et la sécularisation généralisée des mœurs d'autre part. À tel point que l'Église catholique elle-même se vit aujourd'hui comme étant minoritaire.[2]


Contrairement à une idée couramment répandue, on n'assiste donc pas aujourd'hui à un retour du religieux. Tout au plus pouvons-nous parler de transformations ou, selon le terme qui a cours parmi les sociologues des religions, d'un processus de recomposition. Il ne s'agit pas là d'une simple nuance. L'idée de retour du religieux implique l'idée de restauration, de retour à une situation passée où le religieux était structurant (idée qui, nous l'avons vu, pourrait justifier de lutter activement pour limiter sa progression).


Or, l'ensemble des données et des enquêtes disponibles montre à quel point les religions sont de moins en moins en mesure d'influer sur les représentations, les pratiques et les normes sociales. En France comme dans l'ensemble des pays démocratiques (et peut-être même en France plus qu'ailleurs), les indicateurs mesurant la pratique religieuse, mais également les données concernant la nuptialité, la fécondité, le nombre de divorces ou la sexualité montrent à quel point les normes sociales sont aujourd'hui largement émancipées des normes religieuses.[3]


On regarde le voile musulman, intégral ou pas, comme de manière générale l'ensemble des formes de publicisation des identités religieuses, avec une grille d'analyse partielle: comme une volonté d'imposer à l'autre sa propre conception du monde. Or ce que souligne l'ensemble des enquêtes, c'est que le port du voile, comme la grande majorité des phénomènes religieux contemporains, s'inscrit, le plus souvent dans une démarche essentiellement individuelle, privée et subjective, et est de moins en moins régulée par les institutions, comme en témoigne l'incapacité d'une institution comme la Grande mosquée de Paris, pourtant largement adoubée par l'État, à réguler la pratique du port du voile, ou, dans un autre univers religieux, le cas des catholiques qui, tout en revendiquant leur appartenance à l'Église et en participant plus ou moins régulièrement à sa vie collective, n'en transgressent pas moins la plupart de ses interdits (notamment en matière de divorce, d'usage de la contraception, etc.).[4]


Le déboitement que l'on peut observer entre appartenance religieuse et conformité religieuse s'explique par la pénétration de l'individualisme et de l'éthos démocratique dans l'univers religieux. Longtemps pensé comme incompatible avec le religieux en son ensemble, l'individualisme se révèle en effet plus spécifiquement en conflit avec la culture ecclésiale. Il sape l’autorité des Églises, mine le sens de l’obligation, délégitime les spécialistes religieux, dévalorise l'idée de sacrifice, de discipline ou de devoir, au profit de « l’accomplissement de soi » et de « l'authenticité personnelle ».[5] Cela se traduit par un processus qualifié de désinstitutionnalisation ou de dérégulation institutionnelle du religieux, mais qui n'implique pas nécessairement la fin du religieux, qui dès lors se recompose à partir des choix et des pratiques individuelles et subjectives.


Pratiques et croyances religieuses sont ainsi aujourd'hui davantage fondées sur l'expérience individuelle et sur l'expérimentation personnelle que sur la réception d'un dogme ou d'une éthique. Le sens doit être mis à l'épreuve de la pratique, comme en témoigne l'attirance pour un bouddhisme (par ailleurs largement fantasmé) jugé non dogmatique et centré sur l'expérience. Mais cette tendance peut également se retrouver chez les femmes qui choisissent le port du voile qui, si on veut bien les écouter, parlent de leur pratique comme d'une ascèse individuelle ou d'une mise à l'épreuve d'elles-mêmes et de leur foi.


Il serait trop long de développer plus avant les transformations que connaît le champ religieux contemporain. Ce que je voudrais souligner ici, c'est que l'on sort d'une religion de type normatif pour entrer dans un régime de religiosité davantage fondé sur l'expérimentation et la subjectivité individuelle que sur la réception et la conformité. Le champ religieux contemporain apparaît ainsi comme éminément « déstabilisé » ; c'est un univers en mouvement, où les identités stables et héritées laissent la place aux identités et aux pratiques choisies, perpétuellement négociables et particulièrement instables.[6]


C'est précisément parce que les pratiques religieuses sont essentiellement privées, subjectives et choisies, parce qu'elles sont un élément parmi d'autres de la subjectivité et de l’identité singulière des individus (spécialement dans le cadre de religions perçues socialement comme minoritaires), qu'elles peuvent paradoxalement déborder de la sphère purement privée pour contribuer à affirmer la singularité des individus au sein de l'espace public. La religion, dans ces cas-là, peut aussi servir de support d'individualisation, comme le notait le sociologue Farad Khosrokhavar à propos de cet « islam de l'intégration » dont la mise en pratique offre aux jeunes marginalisés et souvent en échec scolaire (voire en situation de délinquance) la possibilité de renverser positivement le stigmate que la société pose sur eux en démontrant publiquement leur rigueur morale et leur discipline.[7]


L'obsession à ne voir dans le voile qu'un seul et unique signe d'oppression en lieu et place d'un phénomène complexe mêlant contrainte parentale certes [8], mais également volonté de distinction, mysticisme, détournement des contraintes familiales liées à la pudeur et à l'espace public, etc., démontre ainsi à quel point c'est bien l'idée que le port du voile puisse être librement choisi par des jeunes filles par ailleurs parfaitement en phase avec la culture française qui pose en elle-même problème. Le fait que ces jeunes filles puissent construire leur individualité en mobilisant des signes religieux, c'est-à-dire à partir de ce contre quoi l'idée de citoyenneté s'est, en France, historiquement construite, se révèle ainsi, dans l'espace français, tout simplement impensable.


Dans cette perspective, le voile, et plus largement l'ensemble des pratiques religieuses que l'on pourrait qualifier de déviantes vis-à-vis du cadre républicain, réconcilient contre eux deux conceptions politiques de l'autonomie individuelle qui pourtant, comme le souligne Pierre Bouretz, étaient en France traditionnellement en conflit : l’une libérale qui s’emploie à contenir la croyance religieuse dans la sphère privée et son expression collective dans le seul registre de l’exercice paisible du culte ; l’autre, autoritaire, qui ambitionne d’arracher les consciences, au nom de la liberté de pensée, à l’influence de toute religion.


La question du voile et de sa présence dans l'espace public constitue en ce sens un réel défi intellectuel et politique, non pas parce que l'émergence de formes de participation politique inspirées ou ancrées dans l'islam constituerait intrinsèquement un danger pour la laïcité, mais parce qu'elle interroge la conception de l'autonomie et de la citoyenneté sur laquelle s'est durablement structurée l'idée d'émancipation.


Bibliographie


J. Baubérot, « Les seuils de laïcisation dans l’Europe latine et la recomposition du religieux dans la modernité tardive », in Jean-Pierre Bastian (éd.), La modernité religieuse en perspective comparée, Paris, Karthala, 2001.

J. Baubérot, Laïcité 1905-2005, entre passion et raison, Paris, Seuil, 2004.

P. Birman, « Croyances et appartenances : un débat français », Ethnographiques.org, numéro 15, février 2008 (http://www.ethnographiques.org/2008/birman.html [17])

O. Bobineau et S. Tank-Storper, Sociologie des religions, Paris, Armand Colin, 2007.

P. Bouretz, « La démocratie au risque du monde », in Marc Sadoun (éd.), La démocratie en France, t.1 : Idéologies, Paris, Gallimard, 2000, p.27-137.

R. Hermon-Belot, « La genèse du système des cultes reconnus : aux origines de la notion française de reconnaissance », Archives de Sciences Sociales des Religions, n°129, janvier-février 2005.

D. Hervieu-Léger, Le Pèlerin et le converti, Paris, Flammarion, 1999.

D. Hervieu-Léger, Catholicisme, la fin d'un monde, Paris, Bayard, 2003.

N. Kakpo, L'islam, un recours pour les jeunes, Paris, Presses de Sciences Po, 2007.

F. Khosrokhavar, L'islam des jeunes, Paris, Flammarion, 1997.

R. Liogier, Une laïcité légitime. La France et ses religions d'État, Paris, Médicis Entrelacs, 2006.

N. Luca, Individus et pouvoirs face aux sectes, Paris, Armand Colin, 2008.

O. Roy, La laïcité face à l'islam, Paris, Hachette, 2005.

S. Trigano, « Le concept de communauté comme catégorie de définition du judaïsme français », Archives européennes de sociologie, Tome XXXV, 1994, n° 1.

E. Troeltsch, Protestantisme et modernité, Paris, Gallimard, 1991.

N. Weibel, « La modernité de Dieu : regard sur des musulmanes d'Europe libres et voilées », Socio-anthropologie, n°17/18, 1e semestre 2006.

M. Zeghal, « La constitution du Conseil Français du Culte Musulman : reconnaissance politique d'un islam français ? », Archives de Sciences Sociales des Religions, n°129, janvier-février 2005.


Notes:


1 Il est important de rappeler ici quelques principes et notions relatifs à la laïcité : la rue fait partie de l’espace public, non de la sphère publique. Or la laïcité n'a de sens que dans la sphère publique, et ne concerne pas les usagers. Dans l’espace public de la société civile, la première exigence de la laïcité consiste à respecter la liberté de chacune et de chacun. Seul un trouble manifeste à l’ordre public, une atteinte aux droits d’autrui peut légitimement limiter cette liberté.

2 Danièle Hervieu-Léger, Catholicisme, la fin d'un monde, Paris, Bayard, 2003.

3 On pourra se référer à ce propos à l'imposant travail de synthèse des données réalisé par Jean-Louis Ormières : L'Europe désenchantée. La fin de l'Europe chrétienne ?, Paris, Fayard, 2005.

4 Je renverrais ici à notre ouvrage : Olivier Bobineau et Sébastien Tank-Storper, Sociologie des religions, Paris, Armand Colin, 2007.

5 Ernst Troeltsch, Protestantisme et modernité, Paris, Gallimard, 1991, p.31.

6 Les enquêtes empiriques ne cessent de mettre en évidence les logiques de circulation des croyants modernes, à travers notamment la hausse significative des conversions partout dans le monde. Aux Etats-Unis par exemple, les études récentes montrent que 28% des Américains ont quitté la religion dans laquelle ils ont été élevés pour rejoindre un autre groupe religieux ou n'adhérer à aucun. Si l'on inclut les transferts d'appartenance au sein de la grande famille protestante, ce sont même 44% des Américains qui ont changé d'appartenance au cours de leur vie (sources : http://religion.info/french/articles/article_365.shtml [32]). Voir également Danièle Hervieu-Léger, Le Pèlerin et le converti. Paris, Flammarion, 1999.

7 Farhad Khosrokhavar, L'islam des jeunes, Paris, Flammarion, 1997.

8.Mais ce que soulignent les enquêtes, c'est que lorsque le voile est imposé par la famille, les jeunes filles s'empressent de l'enlever dans le cadre scolaire (Liogier).

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15 avril 2010 4 15 /04 /avril /2010 12:48

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La loi n’impose pas aux femmes de porter le voile. Mais la pression de la société semble plus efficace. Un climat de terreur empêche tout débat sur sa légitimité religieuse.


15.04.2010 |  Dalal Bizri | Al-Mustaqbal


Je me promène dans le souk de l’Azbakya entre les étals de livres. Je ne cherche pas un ouvrage en particulier. Mais je me mets à imaginer ce marché et ses environs il y a un siècle. L’ancien opéra, l’hôtel Al-Charq et la rue Adli. Comme je poursuis ma balade, un jeune en tenue islamique s’approche de moi, venu d’un autre temps, tranquille et léger. Il me tend un petit livre, comme il me lancerait une fleur. Le titre de l’ouvrage est “Le voile de la femme musulmane”. Cette invitation à porter le voile est la plus délicate qui puisse m’être faite dans les rues du Caire.

Tandis que Soumaya me raconte tous les jours ses mésaventures avec les porteuses de niqab (voile intégral), qui ne se laissent pas dissuader par le fait qu’elle soit chrétienne puisque sa religion est considérée comme une déviation, dans mon cas, l’injonction de porter le voile dans les lieux publics m’est souvent faite par des hommes. Que de fois l’ai-je entendue, dans le centre-ville, de la bouche d’hommes adultes ou de gamins chahuteurs. Mais elle peut aussi venir des femmes. La première fois, avec mon amie française Christine, qui a de longs cheveux blonds. Nous approchions de la station de métro lorsque j’ai entendu derrière moi des murmures, puis j’ai reçu un coup sur la nuque. Un groupe d’adolescentes voilées qui sortait de l’école m’a crié : “O femme, voile-toi !” On peut imaginer l’altercation qui a suivi cette agression et le scandale provoqué par l’attroupement des curieux. Christine est restée imperturbable. Elle n’était pas visée par les insultes et n’a pas reçu de coup sur la tête.


“C’est peut-être parce que je ne me sens pas concernée par ce qui arrive à cette société, sans doute parce que je suis une étrangère, parce que ma joie de vivre au Caire atténue les problèmes”, m’a-t-elle dit. Bizarrement, personne ne s’est approché d’elle pour la questionner sur le voile, ni la bousculer… Même pas une petite tape. Pourquoi moi, alors ? Sans doute parce que l’apparence de Christine la range parmi les étrangers, les vrais khawagat (Européens), et donc parmi les personnes protégées. Un autre jour, sur le quai du métro, des adolescents, des garçons cette fois, m’ont crié : “Perruca ! perruca !” Tous les passagers se sont joints aux jeunes pour un véritable festival de sermons. Des dizaines de regards étaient braqués sur moi, avec mes cheveux découverts, comme si j’étais nue.

Au cours d’anglais, les élèves sont des femmes venant du monde entier : Japonaises, Espagnoles, Françaises… Outre moi-même, il n’y avait qu’une autre Egyptienne, prénommée Amal, qui portait le voile. A la fin de la formation, notre enseignante nous a invitées à fêter notre réussite chez elle. Amal m’a demandé agressivement si j’étais musulmane. Je lui ai répondu par l’affirmative, ce qui l’a énervée davantage. “Alors, pourquoi ne portes-tu pas le voile ! ? Pourquoi ?” Les autres femmes se sont tournées vers nous pour comprendre ce qui se passait. Pendant qu’Amal poursuivait ses invectives, je le leur ai expliqué, tout en tâchant de garder mon calme. “En quoi cela la regarde-t-elle ? Qui est-elle pour te l’ordonner ?” demandaient les autres. Cela n’a pas empêché Amal de poursuivre son délire sur le voile, le Jugement dernier, la religion… jusqu’à gâcher la fête.

Le voile n’est pas encore imposé par la loi, mais c’est pire. Il s’agit d’une volonté collective “librement” consentie, d’un climat de terreur… Les organisations égyptiennes de défense des droits de l’homme ont beau répéter que le voile doit être un “choix personnel”, l’emprise des religieux a réussi à clore le débat. Quand on demande publiquement à une femme voilée pourquoi elle porte le voile, elle répond : “Parce que Dieu l’a voulu ainsi”, ou : “Parce que ma religion m’ordonne de le faire.” Mais, en privé, dans une conversation entre deux femmes, les réponses sont aussi diverses que les personnes…


Hoda porte le voile pour des raisons non religieuses, car elle ne considère pas que les versets du Coran l’imposent comme un devoir, mais pour une question d’identité. Alors, pourquoi le porte-t-elle ? Parce qu’elle estime qu’elle se trouve dans une confrontation culturelle avec l’Occident. Quant à Rania, elle a commencé à porter le voile quand elle vivait en Arabie Saoudite. Là-bas, porter le voile est “naturel”, explique-t-elle. Il ne faut pas se distinguer des autres.

 

Nourane, qui milite dans une association, porte le voile parce qu’elle sent que les gens ne l’écouteraient pas si elle n’était pas voilée. Dina, elle, s’est voilée pour trouver un mari. “Toutes mes amies étaient voilées sauf moi, raconte-t-elle, sans doute parce que ma famille est libérale. Un jour, je me suis aperçue qu’elles s’étaient toutes mariées. J’ai donc décidé de me voiler pour ­trouver un mari.” Kawthar est une militante de l’islam politique, qui s’oppose aux Etats-Unis et à Israël. Mounira s’est réveillée un beau matin et a pris la décision de porter le voile. Quant à Loubna, une ancienne gauchiste, elle le porte “en attendant que la tempête islamiste passe”.

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15 avril 2010 4 15 /04 /avril /2010 10:13
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Débat « religion, oppression, LGBT » :
23 mars 2010

 

Nous publions ci-dessous la seule contribution (à ce jour) aux débats ouverts dans le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) après les élections régionales de mars 2010 qui ait pour thématique principale un point de vue de militant homosexuel.

Les textes mis en ligne sur ESSF, qu’ils soient écrits par des membres du NPA ou d’autres, concernant ces débats sont classés dans diverses rubriques en fonction de leurs thèmes centraux (situation politique, migrants, femmes, religion, internationalisme, etc.) (ici LGBTI). Pour les retrouver, il suffit de cliquer sur le mot-clé « DébatRELF » dans la colonne de gauche.



Je suis de la génération, qui n’a rien de ringarde, des luttes de libération des années 70.


Époque où des femmes défilaient en ôtant leur soutien gorge pour dénoncer ce vêtement de contention imposé par le désir machiste, où il leur fallait lutter pour porter un bikini, un pantalon ou une minijupe, où les chansons osaient dire tout haut « moi je veux faire l’amour avec toi », où les homosexuels hurlaient « nos culs sont politiques » sous les lazzis et le harcèlement policier, où les épouses convaincues de lesbianisme étaient condamnées pour insulte grave au mari, où une enseignante se suicidait d’avoir aimé un de ses élèves, où des femmes finissaient en prison pour avoir avorté.


Je suis aussi de notre époque, aujourd’hui, où les associations trans ou homo sexuelles en Turquie s’efforcent de survivre et d’obtenir des droits, (comme d’autres luttent ailleurs, en Pologne). Contemporain de ces millions de femmes contraintes par des dictatures confessionnelles de porter le foulard quand ce n’est pas le voile intégral ou la burqa. Contemporain de ces femmes qui s’y astreignent dans nos pays sous le poids du racisme et des discriminations en signe identitaire. Ces mêmes Etats aux mêmes préceptes confessionnaux interdisent les contacts entre jeunes célibataires, l’amour avant le mariage et l’amour libre tout court. Ils condamnent les homosexuel/les aux pires sévices dont la peine de mort, tandis qu’un pape (et des pasteurs) continue d’interdire la capote malgré le sida, la masturbation, les rapports libres dans la jeunesse, de vouer les homosexuels au célibat chaste et contrit, les femmes à leur sacro-sainte différence et aux grossesses non désirées.


Me voici dans un parti où tout à coup d’aucuns proposent de faire adhérer des femmes soumises au voile intégral, de mettre en tête de liste des femmes soumises au port du voile, où on entend demander des salles « sans alcools » par respect pour leur foi, refuser de serrer la main des camarades quand ils sont des hommes (et les transexuel/les ?).


Demain demandera-t-on d’adhérer à des comités sans homosexuels ? sans alcools ? à ne pas s’asseoir auprès d’hommes ?

Au parti de payer une dîme aux institutions rabbiniques ou islamique pour manger hallal ou casher ?

Quelle éducation en matière de sexisme ces camarades diffuseront-ils/elles à leurs enfants ?

S’agira-t-il de défendre le droit d’être homosexuel comme un passe droit consenti, et non pas le droit à être homosexuel tout comme on est hétéro ?

S’agira-t-il de défendre le droit d’avorter comme un pis aller, ou le droit d’avorter comme un choix humain sans culpabilisation ?

J’ai toujours défendu le respect pour les signes religieux, tout en exposant un point de vue radical sur les religions.


Ce qui prouve, qu’homosexuel, je ne suis pas rancunier.

J’ai défendu l’adhésion de jeunes femmes portant le foulard mais en expliquant qu’autant que le port d’une kippa ou l’exercice d’une fonction cléricale, cela posait des obstacles sérieux à toute représentation publique du parti, parce que je prends ce voile au sérieux comme celles qui le portent, et qu’il a un sens historique que nous devons discuter.

On me rétorque « mais c’est pas ça qu’il veut dire », sauf que pour une sur deux de nos électrices c’est bien ça qu’il a dit et continue de dire !

Je lutte contre les discriminations de tous ordres y compris envers l’exercice des religions, mais je refuse la confessionnalisation du racisme à travers le concept pervers d’islamophobie qui fait le jeu et des réactionnaires et des clergés qui veulent embrigader dans des appartenances religieuses, les luttes qui sont en fait sociales.


Je suis radicalement contre l’imposition aux enfants de signes religieux y compris définitifs comme la circoncision, comme d’ailleurs je suis contre la sexuation médicale des intersexes hermaphrodites, comme je me suis battu pour que les familles cessent d’imposer aux mineurs homosexuels tout traitement médical de leur orientation.


Aujourd’hui toutes ces questions sont traitées avec désinvolture par une bonne partie du NPA, les un/es par sentimentalisme soi-disant solidaire qui n’est qu’une paresse intellectuelle, d’autres par sentimentalisme d’appartenance à une catégorie d’opprimé/es qui veut s’éviter tout retour critique sur le contenu de cette appartenance, sur ses codes, ses obligations oppressives, comme si l’appartenance religieuse (comme sexuelle) devait échapper à la critique sociale ! soit par lâcheté faussement culpabilisée de petits blanc/hes qui s’évitent un débat honnête avec ceux qui sont issus de l’horreur coloniale, et dans le plus parfait mépris de celles et ceux qui, issus de cette histoire aussi, ont fait elles et eux, le travail d’émancipation lucide qui seul peut fonder notre projet de société commun.


Ainsi s’émeut-on à peu de frais pour les femmes voilées qui « néanmoins » se disent anticapitalistes, féministes voire laïques, en leur épargnant au moment où elles aspirent à des responsabilités, de mettre le doigt sur la contradiction qu’il y a entre leur révolte revendiquée et l’affichage de ce symbole immémorial de soumission et « d’impureté » des femmes.

Quel mépris que de ne pas prendre au sérieux le signe qu’elles donnent !

Quelle façon de les invisibiliser in fine !!!


De plus en s’émouvant pour elles, voire en leur offrant des responsabilités sans condition jusqu’à vouloir en faire des porte drapeaux, porte voile !, d’une catégorie de la population discriminée, opprimée et exploitée, on méprise au passage les femmes qui ont résisté aux pressions, y compris intimes car intériorisées, à ces soumissions multiples pour s’impliquer dans la lutte d’émancipation commune.


Ainsi s’émeut-on même au nom de leur oppression pour les femmes portant le voile intégral, ce qui est encore une fois le comble du mépris... pour elles !

Ce sont des croyantes, des militantes de leur foi, des convaincues de la différence des sexes et du devoir de séparation et de soumission des femmes.


Qu’on leur reconnaisse au moins cette dignité là et en les acceptant pour ce qu’elles sont, en leur reconnaissant le sens de ce qu’elles signifient. Et qu’on combattent honnêtement ce qu’elle prônent au lieu de biaiser !

On nous dit : le voile c’est pas ça que ça veut dire ? Et pourtant la fuite de nos électrices femmes montre que c’est ça que ça leur a dit !

Toutes ces émotions qui se veulent solidaires ne sont que mansuétude post coloniale qui ne prend pas au sérieux ce que signifient les choses et les gens, une lâcheté paternaliste.


Se respecter c’est débattre, sur tout ! Ne rien voiler, ne rien céder.

Jacques Fortin, dit Janine Mirabel

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11 avril 2010 7 11 /04 /avril /2010 10:16


Les régionales se sont déroulées en pleine campagne sur « l’identité nationale » raciste et islamophobe. Le NPA est le parti politique le mieux à même de s’y opposer sans se soucier des effets électoraux de son positionnement. Issue d’un quartier populaire, la candidature d’Ilham portant le foulard était un atout pour rejeter (et non pas soutenir) l’ethnicisation des questions sociales, montrer la voie de l’engagement politique contre les replis communautaristes ; changer les perceptions en faisant partie de notre « tous ensemble ». On peut afficher sa foi et être féministe, laïque et anticapitaliste.


En France, et au sein-même des régimes islamiques les plus dictatoriaux, contre des courants intégristes et répressifs, le clivage essentiel n’est pas la religion ni un foulard porté avec des intentions et logiques contradictoires : c’est la défense concrète de droits sociaux et de libertés individuelles et collectives, contre l’ingérence de pouvoirs religieux dans les choix individuels, y compris religieux. Le NPA doit aider à l’émergence d’un parti de masse anticapitaliste qui combat en pratique, en son sein et dans la société pour que la religion ne soit pas un obstacle à l’engagement politique et militant commun écologiste, anticapitaliste et sur les axes suivants.


Féminisme. Nous nous revendiquons du combat contre le patriarcat et contre toutes les violences faites aux femmes, pour leur émancipation. C’est en tant que féministes qu’il s’agit de reconnaître la diversité des cheminements vers l’émancipation et soutenir toutes les femmes qui luttent concrètement (avec ou sans voile) pour leur pleine reconnaissance comme être humain et responsable.


Luttes combinées. Nous critiquons l’hypocrisie des discours émancipateurs accompagnant les guerres des puissances impérialistes. Mais nous combattons aussi les oppressions qui divisent les travailleurs et cherchons leur unité politique contre toutes les discriminations. La lutte contre l’impérialisme, le racisme blanc civilisateur ne signifie donc pas l’arrêt de la critique à l’égard des relations d’oppression au sein des nations (ex) colonisées ou non occidentales ; de même que la lutte contre l’islamophobie n’empêche pas la critique de l’islamisme et des intégrismes religieux.


Laïcité. Nous considérons comme un acquis la séparation de l’État de tout pouvoir d’ingérence politique de l’Église et de tout clergé. Et nous nous appuyons sur la jurisprudence et l’interprétation de la laïcité produite par la Ligue des droits de l’homme qui distingue deux sphères publiques. Celle des institutions d’État où devrait s’imposer la neutralité, d’une part ; et la sphère sociétale d’autre part, où la laïcité permet aux usagers et citoyen-ne-s (à leurs élu-e-s, qui ne sont pas des fonctionnaires !) d’exprimer leurs convictions ou croyances en toute liberté, dans le respect des libertés publiques. C’est pourquoi dans cet espace public et politique, la visibilité du foulard n’est pas anti-laïque.


Rendre visible notre égalité dans la diversité et l’unité de nos luttes. Venant de cheminements variés, tou-te-s nos membres doivent être égaux et égales sur la seule base de l’adhésion à notre programme. Les luttes de Franz Fanon et Malcolm X, Martin Luther King et bien des théologies de la libération s’intègrent à nos bilans... Et si la religion sert à justifier l’ordre inégalitaire et les oppressions, la foi peut aussi se retourner contre eux.

Alain Pojolat (comité exécutif, commission immigration), Catherine Samary (commission internationale), Fanny G. (comité exécutif, commission intervention féministe), Jean-Paul Mignon (conseil politique national, Aubagne La-Ciotat), Nora Benameur (conseil politique national, commission quartiers populaires, Avignon)

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9 avril 2010 5 09 /04 /avril /2010 14:34

1. L’attitude théorique («philosophique») du marxisme classique en matière de religion combine trois dimensions complémentaires, que l’on trouve déjà en germe dans l’Introduction à De la critique de la philosophie du droit de Hegel du jeune Marx (1843-1844):


- d’abord, une critique de la religion, en tant que facteur d’aliénation. L’être humain attribue à la divinité la responsabilité d’un sort qui ne lui doit rien («L’homme fait la religion, ce n’est pas la religion qui fait l’homme.»); il s’astreint à respecter des obligations et interdits qui, souvent, entravent son épanouissement; il se soumet volontairement à des autorités religieuses dont la légitimité se fonde soit sur le fantasme de leur rapport privilégié au divin, soit sur leur spécialisation dans la connaissance du corpus religieux.


- ensuite, une critique des doctrines sociales et politiques des religions. Les religions sont des survivances idéologiques d’époques révolues depuis fort longtemps: la religion est «fausse conscience du monde»; elle l’est d’autant plus que le monde change. Nées dans des sociétés précapitalistes, les religions ont pu connaître - à l’instar de la Réforme protestante dans l’histoire du christianisme - des aggiornamentos, qui restent forcément partiels et limitées dès lors qu’une religion vénère des «écritures saintes».


- mais aussi, une «compréhension» (au sens wébérien) du rôle psychologique que peut jouer la croyance religieuse pour les damné/es de la terre. «La misère religieuse est, d’une part, l’expression de la misère réelle, et, d’autre part, la protestation contre la misère réelle. La religion est le soupir de la créature accablée par le malheur, l’âme d’un monde sans cœur, de même qu’elle est l’esprit d’une époque sans esprit. C’est l’opium du peuple.»

Ces trois considérants débouchent, au regard du marxisme classique, sur une seule et même conclusion énoncée par le jeune Marx: «Le dépassement (Aufhebung) de la religion en tant que bonheur illusoire du peuple est l’exigence de son véritable bonheur. Exiger qu’il soit renoncé aux illusions sur sa condition, c’est exiger qu’il soit renoncé a une condition qui a besoin d’illusions. La critique de la religion est donc, en germe, la critique de cette vallée de larmes, dont la religion est l’auréole.»


2. Pour autant, le marxisme classique n’a pas posé la suppression de la religion comme condition nécessaire et préalable de l’émancipation sociale (le propos du jeune Marx pourrait se lire: afin de pouvoir surmonter les illusions, il faut d’abord mettre fin à la «condition qui a besoin d’illusions»). En tout état de cause, tout comme pour l’État, pourrait-on dire, il ne s’agit pas d’abolir la religion, mais de créer les conditions de son extinction. Il n’est pas question de prohiber «l’opium du peuple», et encore moins d’en réprimer les consommateurs. Il s’agit seulement de mettre fin aux rapports privilégiés qu’entretiennent ceux qui en font commerce avec le pouvoir politique, afin de réduire son emprise sur les esprits.

 

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Trois niveaux d’attitude sont ici à considérer :


• Le marxisme classique, celui des fondateurs, n’a pas requis l’inscription de l’athéisme au programme des mouvements sociaux. Au contraire, dans sa critique du programme des émigrés blanquistes de la Commune (1874), Engels a raillé leur prétention d’abolir la religion par décret. Sa perspicacité a été entièrement confirmée par les expériences du XXe siècle, comme lorsqu’il soutenait que «les persécutions sont le meilleur moyen d’affermir des convictions indésirables» et que «le seul service que l’on puisse rendre encore, de nos jours, à Dieu est de proclamer l’athéisme un symbole de foi coercitif».


• La laïcité républicaine, c’est-à-dire la séparation de la religion et de l’État, est, en revanche, un objectif nécessaire et imprescriptible, qui faisait déjà partie du programme de la démocratie bourgeoise radicale. Mais là aussi, il importe de ne pas confondre séparation et prohibition, même en ce qui concerne l’enseignement. Dans ses commentaires critiques sur le programme d’Erfurt de la social-démocratie allemande (1891), Engels proposait la formulation suivante: «Séparation complète de l’Église et de l’État. Toutes les communautés religieuses sans exception seront traitées par l’État comme des sociétés privées. Elles perdent toute subvention provenant des deniers publics et toute influence sur les écoles publiques.» Puis il ajoutait entre parenthèses ce commentaire: «On ne peut tout de même pas leur défendre de fonder, par leurs propres moyens, des écoles, qui leur appartiennent en propre, et d’y enseigner leurs bêtises!»


• Le parti ouvrier doit en même temps combattre idéologiquement l’influence de la religion. Dans le texte de 1873, Engels se félicitait du fait que la majorité des militants ouvriers socialistes allemands était gagnée à l’athéisme, et suggérait de diffuser la littérature matérialiste française du XVIIIe siècle afin d’en convaincre le plus grand nombre.


Dans sa critique du programme de Gotha du parti ouvrier allemand (1875), Marx expliquait que la liberté privée en matière de croyance et de culte doit être définie uniquement comme rejet de l’ingérence étatique. Il en énonçait ainsi le principe: «chacun doit pouvoir satisfaire ses besoins religieux et corporels, sans que la police y fourre le nez». Il regrettait, en même temps, que le parti n’ait pas saisi «l’occasion d’exprimer sa conviction que la bourgeoise “liberté de conscience” n’est rien de plus que la tolérance de toutes les sortes possibles de liberté de conscience religieuse, tandis que lui [le parti] s’efforce de libérer les consciences de la fantasmagorie religieuse».


3. Le marxisme classique n’envisageait la religion que sous l’angle du rapport des sociétés européennes à leurs propres religions traditionnelles. Il ne prenait pas en considération la persécution des minorités religieuses, ni surtout la persécution des religions de peuples opprimés par des États oppresseurs appartenant à une autre religion. À notre époque marquée par la survivance de l’héritage colonial et par sa transposition à l’intérieur même des métropoles impériales - sous la forme d’un «colonialisme intérieur», dont l’originalité est que ce sont les colonisés eux-mêmes qui sont expatriés, c’est-à-dire «immigrés» - cet aspect acquiert une importance majeure.


Dans un contexte dominé par le racisme, corollaire naturel de l’héritage colonial, les persécutions de la religion des opprimé/es, ex-colonisé/es, ne doivent pas être rejetées seulement parce qu’elles sont «le meilleur moyen d’affermir des convictions indésirables». Elles doivent être rejetées, aussi et avant tout, parce qu’elles sont une dimension de l’oppression ethnique ou raciale, aussi intolérable que le sont les persécutions et discriminations politiques, juridiques et économiques.


Certes, les pratiques religieuses des populations colonisées peuvent apparaître comme éminemment rétrogrades aux yeux des populations métropolitaines, dont la supériorité matérielle et scientifique était inscrite dans le fait même de la colonisation. Mais ce n’est pas en imposant le mode de vie de ces dernières aux populations colonisées, contre leur gré, que sera servie la cause de leur émancipation. L’enfer de l’oppression raciste est pavé de bonnes intentions «civilisatrices», et l’on sait à quel point le mouvement ouvrier lui-même fut contaminé par la prétention bienfaitrice et l’illusion philanthropique à l’ère du colonialisme.


Engels avait pourtant bien mis en garde contre ce syndrome colonial. Dans une lettre à Kautsky, datée du 12 septembre 1882, il formula une politique émancipatrice du prolétariat au pouvoir, tout empreinte de la précaution indispensable afin de ne pas transformer la libération présumée en oppression déguisée.


«Les pays sous simple domination et peuplés d’indigènes, Inde, Algérie, les possessions hollandaises, portugaises et espagnoles, devront être pris en charge provisoirement par le prolétariat et conduits à l’indépendance, aussi rapidement que possible. Comment ce processus se développera, voilà qui est difficile à dire. L’Inde fera peut-être une révolution, c’est même très vraisemblable. Et comme le prolétariat se libérant ne peut mener aucune guerre coloniale, on serait obligé de laisser faire, ce qui, naturellement, n’irait pas sans des destructions de toutes sortes, mais de tels faits sont inséparables de toutes les révolutions.

 

Le même processus pourrait se dérouler aussi ailleurs: par exemple en Algérie et en Égypte, et ce serait, pour nous certainement, la meilleure solution. Nous aurons assez à faire chez nous. Une fois que l’Europe et l’Amérique du Nord seront réorganisées, elles constitueront une force si colossale et un exemple tel que les peuples à demi civilisés viendront d’eux-mêmes dans leur sillage: les besoins économiques y pourvoiront déjà à eux seuls. Mais par quelles phases de développement social et politique ces pays devront passer par la suite pour parvenir eux aussi à une structure socialiste, là-dessus, je crois, nous ne pouvons aujourd’hui qu’échafauder des hypothèses assez oiseuses. Une seule chose est sûre: le prolétariat victorieux ne peut faire de force le bonheur d’aucun peuple étranger, sans par là miner sa propre victoire.»


Vérité élémentaire, et pourtant si souvent ignorée: tout «bonheur» imposé par la force équivaut à une oppression, et ne saurait être perçu autrement par ceux et celles qui le subissent.


4. La question du foulard islamique (hijab) condense l’ensemble des problèmes posés ci-dessus. Elle permet de décliner l’attitude marxiste sous tous ses aspects.


Dans la plupart des pays oùl’islam est religion majoritaire, la religion est encore la forme principale de l’idéologie dominante. Des interprétations rétrogrades de l’islam, plus ou moins littéralistes, servent à maintenir des populations entières dans la soumission et l’arriération culturelle. Les femmes subissent le plus massivement et le plus intensivement une oppression séculaire, drapée de légitimation religieuse.


Dans un tel contexte, la lutte idéologique contre l’utilisation de la religion comme argument d’asservissement est une dimension prioritaire du combat émancipateur. La séparation de la religion et de l’État doit être une revendication prioritaire du mouvement pour le progrès social. Les démocrates et les progressistes doivent se battre pour la liberté de chacune et de chacun en matière d’incroyance, de croyance et de pratique religieuse. En même temps, le combat pour la libération des femmes reste le critère même de toute identité émancipatrice, la pierre de touche de toute prétention progressiste.


Un des aspects les plus élémentaires de la libertédes femmes est leur liberté individuelle de se vêtir comme elles l’entendent. Le foulard islamique et, à plus forte raison, les versions plus enveloppantes de ce type de revêtement, lorsqu’ils sont imposés aux femmes, sont une des nombreuses formes de l’oppression sexuelle au quotidien - une forme d’autant plus visible qu’elle sert à rendre les femmes invisibles. La lutte contre l’astreinte au port du foulard, ou autres voiles, est indissociable de la lutte contre les autres aspects de la servitude féminine.


Toutefois, la lutte émancipatrice serait gravement compromise si elle cherchait à«libérer» de force les femmes, en usant de la contrainte non à l’égard de leurs oppresseurs, mais à leur propre égard. Arracher par la force le revêtement religieux, porté volontairement -même si l’on juge que son port relève de la servitude volontaire - est un acte oppressif et non un acte d’émancipation réelle. C’est de surcroît une action vouée à l’échec, comme Engels l’avait prédit: de même que le sort de l’islam dans l’ex-Union soviétique, l’évolution de la Turquie illustre éloquemment l’inanité de toute tentative d’éradication de la religion ou des pratiques religieuses par la contrainte.


«Chacun - et chacune - doit pouvoir satisfaire ses besoins religieux et corporels» - les femmes porter le hijab ou les hommes porter la barbe - «sans que la police y fourre le nez».


Défendre cette liberté individuelle élémentaire est la condition indispensable pour mener un combat efficace contre les diktats religieux. La prohibition du hijab rend paradoxalement légitime le fait de l’imposer, aux yeux de ceux et celles qui le considèrent comme un article de foi. Seul le principe de la liberté de conscience et de pratique religieuse strictement individuelle, qu’elle soit vestimentaire ou autre, et le respect de ce principe par des gouvernements laïcs, permettent de s’opposer légitimement et avec succès à la contrainte religieuse.

 

Le Coran lui-même proclame: «Pas de contrainte en religion»!

Par ailleurs, et pour peu que l’on ne remette pas en cause la liberté d’enseignement, prohiber le port du foulard islamique, ou autres signes religieux vestimentaires, à l’école publique, au nom de la laïcité, est une attitude éminemment antinomique, puisqu’elle aboutit à favoriser l’expansion des écoles religieuses.


5. Dans un pays comme la France, où l’islam fut pendant fort longtemps la religion majoritaire des «indigènes» des colonies et où il est depuis des décennies la religion de la grande majorité des immigrés, «colonisés» de l’intérieur, toute forme de persécution de la religion islamique - deuxième religion de France par le nombre et religion très inférieure aux autres par le statut - doit être combattue.


L’islam est, en France, une religion défavorisée par rapport aux religions présentes depuis des siècles sur le sol français. C’est une religion victime de discriminations criantes, tant en ce qui concerne ses lieux de culte que la tutelle pesante, empreinte de mentalité coloniale, que lui impose l’État français.

 

L’islam est une religion décriée au quotidien dans les médias français, d’une manière qu’il n’est heureusement plus possible de pratiquer contre la précédente cible prioritaire du racisme, le judaïsme, après le génocide nazi et la complicité vichyste. Un confusionnisme mâtiné d’ignorance et de racisme entretient, par médias interposés, l’image d’une religion islamique intrinsèquement inapte à la modernité, ainsi que l’amalgame entre islam et terrorisme que facilite l’utilisation inappropriée du terme «islamisme» comme synonyme d’intégrisme islamique.


Certes, le discours officiel et dominant n’est pas ouvertement hostile; il se fait même bienveillant, les yeux rivés sur les intérêts considérables du grand capital français - pétrole, armement, bâtiment, etc. - en terre d’Islam. Toutefois, la condescendance coloniale à l’égard des musulman/es et de leur religion est tout autant insupportable pour elles et eux que l’hostilité raciste ouvertement affichée. L’esprit colonial n’est pas l’apanage de la droite en France; il est d’implantation fort ancienne dans la gauche française, constamment déchirée dans son histoire entre un colonialisme mêlé de condescendance d’essence raciste et d’expression paternaliste, et une tradition anticolonialiste militante.


Même aux premiers temps de la scission du mouvement ouvrier français entre sociaux-démocrates et communistes, une aile droite émergea parmi les communistes de la métropole eux-mêmes (sans parler des communistes français en Algérie), se distinguant notamment par son attitude sur la question coloniale. La droite communiste trahit son devoir anticolonialiste face à l’insurrection du Rif marocain sous la direction du chef tribal et religieux Abd-el-Krim, lorsque celle-ci affronta les troupes françaises en 1925.


L’explication de Jules Humbert-Droz à ce propos, devant le comité exécutif de l’IC, garde une certaine pertinence:


«La droite a protesté contre le mot d’ordre de la fraternisation avec l’armée des Rifains, en invoquant le fait que les Rifains n’ont pas le même degré de civilisation que les armées françaises, et qu’on ne peut fraterniser avec des tribus à demi barbares.

 

Elle est allée plus loin encore écrivant qu’Abd-el-Krim a des préjugés religieux et sociaux qu’il faut combattre. Sans doute il faut combattre le panislamisme et le féodalisme des peuples coloniaux, mais quand l’impérialisme français saisit à la gorge les peuples coloniaux, le rôle du P.C. n’est pas de combattre les préjugés des chefs coloniaux, mais de combattre sans défaillance la rapacité de l’impérialisme français.»


6. Le devoir des marxistes en France est de combattre sans défaillance l’oppression raciste et religieuse menée par la bourgeoisie impériale française et son État, avant de combattre les préjugés religieux au sein des populations immigrées.


Lorsque l’État français s’occupe de réglementer la façon de s’habiller des jeunes musulmanes et d’interdire l’accès à l’école de celles qui s’obstinent à vouloir porter le foulard islamique; lorsque ces dernières sont prises comme cibles d’une campagne médiatique et politique dont la démesure par rapport à l’ampleur du phénomène concerné atteste de son caractère oppressif, perçu comme islamophobe ou raciste, quelles que soient les intentions affichées; lorsque le même État favorise l’expansion notoire de l’enseignement religieux communautaire par l’accroissement des subventions à l’enseignement privé, aggravant ainsi les divisions entre les couches exploitées de la population française - le devoir des marxistes, à la lumière de tout ce qui a été exposé ci-dessus, est de s’y opposer résolument.

Ce ne fut pas le cas pour une bonne partie de celles et ceux qui se réclament du marxisme en France.

 

Sur la question du foulard islamique, la position de la Ligue de l’Enseignement, dont l’engagement laïque est au-dessus de tout soupçon, est bien plus en affinité avec celle du marxisme authentique que celle de nombre d’instances qui disent s’en inspirer. Ainsi peut-on lire dans la déclaration adoptée par la Ligue, lors de son assemblée générale de Troyes en juin 2003, ce qui suit:


«La Ligue de l’Enseignement, dont toute l’histoire est marquée par une action constante en faveur de la laïcité, considère que légiférer sur le port de signes d’appartenance religieuse est inopportun. Toute loi serait soit inutile soit impossible.


Le risque est évident. Quelles que soient les précautions prises, il ne fait aucun doute que l’effet obtenu sera un interdit stigmatisant en fait les musulmans. [...]


Pour ceux ou celles qui voudraient faire du port d’un signe religieux l’argument d’un combat politique, l’exclusion de l’école publique n’empêchera pas de se scolariser ailleurs, dans des institutions au sein desquelles ils ont toutes chances de se trouver justifiés et renforcés dans leur attitude. [...]


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[L’] intégration de tous les citoyens, indépendamment de leurs origines et de leurs convictions, passe par la reconnaissance d’une diversité culturelle qui doit s’exprimer dans le cadre de l’égalité de traitement que la République doit assurer à chacun. À ce titre, les musulmans, comme les autres croyants, doivent bénéficier de la liberté du culte dans le respect des règles qu’impose une société laïque, pluraliste et profondément sécularisée. Le combat pour l’émancipation des jeunes filles, en particulier, passe prioritairement par leur scolarisation, le respect de leur liberté de conscience et de leur autonomie: n’en faisons pas les otages d’un débat idéologique, par ailleurs nécessaire. Pour lutter contre l’enfermement identitaire, une pédagogie de la laïcité, la lutte contre les discriminations, le combat pour la justice sociale et l’égalité sont plus efficaces que l’interdit.»


Dans son rapport du 4 novembre 2003, remis à la Commission sur l’application du principe de laïcité dans la République (dite Commission Stasi), la Ligue de l’Enseignement traite admirablement de l’islam et des représentations dont il fait l’objet en France, en des pages dont on ne citera ici que quelques extraits:


«Les résistances et les discriminations rencontrées par “les populations musulmanes” dans la société française ne tiennent pas essentiellement, comme on le dit trop souvent, au déficit d’intégration de ces populations mais bien à des représentations et à des attitudes majoritaires qui proviennent en grande partie d’un héritage historique ancien.


La première tient à la non-reconnaissance de l’apport de la civilisation arabo-musulmane à la culture mondiale et à notre propre culture occidentale. [...]

À cette occultation et à ce rejet s’est ajouté l’héritage colonial [...] porteur d’une tradition de violence, d’inégalité et de racisme, profonde et durable, que les difficultés de la décolonisation, puis les déchirements de la guerre d’Algérie ont amplifiée et renforcée.


L’infériorisation ethnique, sociale, culturelle et religieuse des populations indigènes, musulmanes des colonies françaises a été une pratique constante, au point de retentir dans les limitations du droit.

 

C’est ainsi qu’en ce qui concerne l’Islam, il a été considéré comme un élément du statut personnel et non comme une religion relevant de la loi de séparation de 1905. Durant tout le temps de la colonisation, le principe de laïcité ne s’est jamais appliqué aux populations indigènes et à leur culte à cause de l’opposition du lobby colonial et malgré la demande des oulémas qui avaient compris que le régime de laïcité leur rendrait la liberté du culte. Comment s’étonner dès lors que pendant très longtemps la laïcité, pour les musulmans, ait été synonyme d’une police coloniale des esprits!

 

Comment veut-on que cela ne laisse pas des traces profondes, tant du côté des anciens colonisés que du pays colonisateur? Si de nombreux musulmans aujourd’hui encore considèrent que l’Islam doit régler les comportements civils, tant publics que privés, et, sans revendiquer de statut personnel, ont parfois tendance à en adopter le profil, c’est que la France et la République laïque leur ont intimé de le faire pendant plusieurs générations. Si de nombreux Français, parfois même parmi les plus instruits et qui exercent des responsabilités en vue, se permettent des appréciations péjoratives sur l’Islam dont l’ignorance le dispute à la stupidité, c’est qu’ils s’inscrivent, le plus souvent inconsciemment et en s’en défendant, dans cette tradition du mépris colonial.


Un troisième aspect vient faire obstacle à la considération de l’Islam sur un pied d’égalité: c’est que religion transplantée, il est aussi une religion de pauvres. À la différence des religions judéo-chrétiennes dont les pratiquants en France se répartissent sur l’ensemble de l’échiquier social, et à la différence en particulier du catholicisme historiquement intégré à la classe dominante, les musulmans, citoyens français ou immigrés vivant en France, se situent pour l’instant, pour une grande majorité, en bas de l’échelle sociale.

 

Là encore, la tradition coloniale se poursuit, puisque à l’infériorisation culturelle des populations indigènes s’ajoutait l’exploitation économique, et que celle-ci a longtemps pesé aussi très fortement sur les premières générations immigrées, tandis qu’aujourd’hui leurs héritiers sont les premières victimes du chômage et de la relégation urbaine. Le mépris social et l’injustice qui frappent ces catégories sociales affectent tous les aspects de leur existence, y compris la dimension religieuse. On ne s’offusque pas des foulards sur la tête des femmes de ménage ou de service dans les bureaux: il ne devient objet de scandale que s’il est porté avec fierté par des filles engagées dans des études ou des femmes ayant le statut de cadres.»

 

L’incompréhension manifestée par les principales organisations de la gauche marxiste extraparlementaire en France à l’égard des problèmes identitaires et culturels des populations concernées est révélée par la composition de leurs listes électorales aux élections européennes: tant en 1999 qu’en 2004, les citoyen/nes originaires de populations naguère colonisées - du Maghreb ou d’Afrique noire, en particulier - ont brillé par leur absence dans le peloton de tête des listes LCR-LO, contrairement aux listes du PCF, parti tant de fois stigmatisé pour manquement à la lutte antiraciste par ces deux organisations. Ce faisant, elles se sont également privées d’un potentiel électoral parmi les couches les plus opprimées de France, un potentiel dont le score réalisé en 2004 par une liste improvisée comme Euro-Palestine a témoigné de façon éclatante.

 

7. En mentionnant «ceux ou celles qui voudraient faire du port d’un signe religieux l’argument d’un combat politique», la Ligue de l’Enseignement faisait allusion, bien entendu, à l’intégrisme islamique.

 

L’expansion de ce phénomène politique dans les milieux issus de l’immigration musulmane en Occident, après sa forte expansion depuis trente ans en terre d’Islam, a été, en France, l’argument préféré des pourfendeurs/ses de foulard islamique.


L’argument est réel: à l’instar des intégrismes chrétiens, juif, hindouiste et autres, visant à imposer une interprétation rigoriste de la religion comme code de vie, sinon comme mode de gouvernement, l’intégrisme islamique est un véritable danger pour le progrès social et les luttes émancipatrices. En prenant soin d’établir une distinction claire et nette entre la religion en tant que telle et son interprétation intégriste, la plus réactionnaire de toutes, il est indispensable de combattre l’intégrisme islamique idéologiquement et politiquement, tant dans les pays d’Islam qu’au sein des minorités musulmanes en Occident ou ailleurs.


Cela ne saurait, cependant, constituer un argument en faveur d’une prohibition publique du foulard islamique: la Ligue de l’Enseignement a expliqué le contraire de façon convaincante. Plus généralement, l’islamophobie est le meilleur allié objectif de l’intégrisme islamique: leur croissance va de pair. Plus la gauche donnera l’impression de se rallier à l’islamophobie dominante, plus elle s’aliènera les populations musulmanes et plus elle facilitera la tâche des intégristes musulmans, qui apparaîtront comme seuls à même d’exprimer la protestation des populations concernées contre «la misère réelle».


L’intégrisme islamique est, cependant, un phénomène très différencié et l’attitude tactique à son égard doit être modulée selon les situations concrètes. Lorsque ce type de programme social est manié par un pouvoir oppresseur et par ses alliés afin de légitimer l’oppression en vigueur, comme dans le cas des nombreux despotismes à visage islamique; ou lorsqu’il devient l’arme politique d’une réaction luttant contre un pouvoir progressiste, comme ce fut le cas dans le monde arabe, dans la période 1950-1970, quand l’intégrisme islamique était le fer de lance de l’opposition réactionnaire au nassérisme égyptien et à ses émules - la seule attitude convenable est celle d’une hostilité implacable aux intégristes.


Il en va autrement lorsque l’intégrisme islamique se déploie en tant que vecteur politico-idéologique d’une lutte animée par une cause objectivement progressiste, vecteur difforme, certes, mais remplissant le vide laissé par la défaite ou la carence des mouvements de gauche. C’est le cas des situations où les intégristes musulmans combattent une occupation étrangère (Afghanistan, Liban, Palestine, Irak, etc.) ou une oppression ethnique ou raciale, comme de celles où ils incarnent une aversion populaire à l’égard d’un régime d’oppression politique réactionnaire.

 

C’est aussi le cas de l’intégrisme islamique en Occident, où son essor est généralement l’expression d’une rébellion contre le sort réservé aux populations immigrées.

En effet, comme la religion en général, l’intégrisme islamique peut être «d’une part, l’expression de la misère réelle, et, d’autre part, la protestation contre la misère réelle», à la différence près qu’il s’agit dans son cas d’une protestation active: il n’est pas «l’opium» du peuple, mais plutôt «l’héroïne» d’une partie du peuple, dérivée de «l’opium» et qui substitue son effet extatique à l’effet narcotique de celui-ci.


Dans tous ces types de situations, il est nécessaire d’adapter une attitude tactique aux circonstances de la lutte contre l’oppresseur, ennemi commun. Tout en ne renonçant jamais au combat idéologique contre l’influence néfaste de l’intégrisme islamique, il peut être nécessaire, ou inévitable, de converger avec des intégristes musulmans dans des batailles communes - allant de simples manifestations de rue à la résistance armée, selon les cas.


8. Les intégristes islamiques peuvent être des alliés objectifs et circonstanciels dans un combat déterminé, menépar des marxistes. Il s’agit toutefois d’une alliance contre-nature, forcée par les circonstances. Les règles qui s’appliquent à des alliances beaucoup plus naturelles, comme celles qui furent pratiquées dans la lutte contre le tsarisme en Russie, sont ici à respecter à plus forte raison, et de façon plus stricte encore.

Ces règles ont été clairement définies par les marxistes russes au début du XXe siècle.

 

Dans sa Préface de janvier 1905 à la brochure Avant le 9 janvier de Trotsky, Parvus les résumait ainsi:


«Pour faire simple, en cas de lutte commune avec des alliés d’occasion, on peut suivre les points suivants:

1) Ne pas mélanger les organisations. Marcher séparément, mais frapper ensemble.

2) Ne pas renoncer à ses propres revendications politiques.

3) Ne pas cacher les divergences d’intérêt.

4) Suivre son allié comme on file un ennemi.

5) Se soucier plus d’utiliser la situation créée par la lutte que de préserver un allié.»


«Parvus a mille fois raison» écrivit Lénine dans un article d’avril 1905, publié dans le journal Vperiod, en soulignant «la condition absolue (rappelée fort à propos) de ne pas confondre les organisations, de marcher séparément et de frapper ensemble, de ne pas dissimuler la diversité des intérêts, de surveiller son allié comme un ennemi, etc.». Le dirigeant bolchevique énumérera maintes fois ces conditions au fil des ans.


Les mêmes principes furent défendus inlassablement par Trotsky. Dans L’Internationale communiste après Lénine (1928), polémiquant au sujet des alliances avec le Kuomintang chinois, il écrivit les phrases suivantes, particulièrement adaptées au sujet dont il est ici question:


«Depuis longtemps, on a dit que des ententes strictement pratiques, qui ne nous lient en aucune façon et ne nous créent aucune obligation politique, peuvent, si cela est avantageux au moment considéré, être conclues avec le diable même. Mais il serait absurde d’exiger en même temps qu’à cette occasion le diable se convertisse totalement au christianisme, et qu’il se serve de ses cornes [...] pour des oeuvres pieuses. En posant de telles conditions, nous agirions déjà, au fond, comme les avocats du diable, et lui demanderions de devenir ses parrains.»


Nombre de trotskystes font exactement l’inverse de ce que préconisait Trotsky, dans leur rapport avec des organisations intégristes islamiques. Non pas en France, où les trotskystes, dans leur majorité, tordent plutôt le bâton dans l’autre sens, comme il a été déjà expliqué, mais de l’autre côté de la Manche, en Grande-Bretagne.


L’extrême gauche britannique a le mérite d’avoir fait preuve d’une bien plus grande ouverture aux populations musulmanes que l’extrême gauche française. Elle a mené, contre les guerres d’Afghanistan et d’Irak, auxquelles a participé le gouvernement de son pays, de formidables mobilisations avec la participation massive de personnes issues de l’immigration musulmane.

 

Dans le mouvement antiguerre, elle est même allée jusqu’à s’allier à une organisation musulmane d’inspiration intégriste, la Muslim Association of Britain (MAB), émanation britannique du principal mouvement intégriste islamique «modéré» du Moyen-Orient, le Mouvement des Frères musulmans (représenté dans les parlements de certains pays).


Rien de répréhensible, en principe, àune telle alliance pour des objectifs bien délimités, àcondition de respecter strictement les règles énoncées ci-dessus. Le problème commence cependant avec le traitement en allié privilégié de cette organisation particulière, qui est loin d’être représentative de la grande masse des musulmans de Grande-Bretagne.

 

Plus généralement, les trotskystes britanniques ont eu tendance, à l’occasion de leur alliance avec la MAB dans le mouvement antiguerre, à faire l’opposé de ce qui est énoncé ci-dessus, c’est-à-dire:

1) mélanger les bannières et les pancartes, au propre comme au figuré;

2) minimiser l’importance des éléments de leur identité politique susceptibles de gêner les alliés intégristes du jour; et enfin

3) traiter ces alliés de circonstance comme s’il s’agissait d’alliés stratégiques, en rebaptisant «anti-impérialistes» ceux dont la vision du monde correspond beaucoup plus au choc des civilisations qu’à la lutte des classes.


9. Cette tendance s’est aggravée avec le passage d’une alliance dans le contexte d’une mobilisation antiguerre à une alliance électorale. La MAB n’a, certes, pas adhéré en tant que telle à la coalition électorale Respect, animée par les trotskystes britanniques, ses principes intégristes lui interdisant de souscrire à un programme de gauche. Mais l’alliance entre la MAB et Respect s’est traduite, par exemple, par la candidature sur les listes de Respect d’un dirigeant en vue de la MAB, l’ex-président et porte-parole de l’association.


Ce faisant, l’alliance passait à un niveau qualitativement supérieur, tout à fait répréhensible, lui, d’un point de vue marxiste: autant il peut être légitime, en effet, de nouer des «ententes strictement pratiques», sans «aucune obligation politique» autre que l’action pour les objectifs communs - en l’occurrence, exprimer l’opposition à la guerre menée par le gouvernement britannique conjointement avec les États-Unis et dénoncer le sort infligé au peuple palestinien - avec des groupes et/ou des individus qui adhérent, par ailleurs, à une conception foncièrement réactionnaire de la société, autant il est inacceptable pour des marxistes de conclure une alliance électorale - type d’alliance qui suppose une conception commune du changement politique et social - avec ce genre de partenaires.


Par la force des choses, prendre part àune même liste électorale avec un intégriste religieux, c’est donner l’impression trompeuse qu’il s’est converti au progressisme social et à la cause de l’émancipation des travailleurs... et des travailleuses! La logique même de cette espèce d’alliance pousse celles et ceux qui y sont engagés, face aux critiques inévitables de leurs concurrents politiques, à défendre leurs alliés du jour et à minimiser, sinon cacher, les divergences profondes qui les opposent à eux. Ils en deviennent les avocat/es, voire les parrains et marraines auprès du mouvement social progressiste.


C’est ainsi que Lindsay German, dirigeante centrale du Socialist Workers Party britannique et de la coalition Respect, a signé dans The Guardian du 13 juillet 2004, un article qualifié de «merveilleux» («wonderful») sur le site web de la MAB. Sous le titre «Un insigne d’honneur» («A badge of honour»), l’auteure défend énergiquement l’alliance électorale avec la MAB, en expliquant que c’est un honneur pour elle et ses camarades de voir les victimes de l’islamophobie se tourner vers eux, avec une justification surprenante de l’alliance avec la MAB.

 

Résumons-en l’argumentaire: les intégristes musulmans ne sont pas les seuls à être anti-femmes et homophobes, les intégristes chrétiens le sont également. D’ailleurs, de plus en plus de femmes parlent pour la MAB dans les réunions antiguerres (comme dans les meetings organisés par les mollahs en Iran, pourrait-on ajouter). Les fascistes du BNP (British National Party) sont bien pires que la MAB.


«Certes, poursuit Lindsay German, certains musulmans - et non musulmans - ont, sur certaines questions sociales, des vues qui sont plus conservatrices que celles de la gauche socialiste et libérale. Mais cela ne devrait pas empêcher de collaborer sur des questions d’intérêt commun. Insisterait-on dans une campagne pour les droits des gays, par exemple, pour que toutes les personnes qui y participent partagent le même point de vue sur la guerre en Irak?»


L’argument est tout à fait recevable s’il ne concerne que la campagne antiguerre. Mais s’il est utilisé pour justifier une alliance électorale comme Respect, au programme beaucoup plus global qu’une campagne pour les droits des gays et des lesbiennes, il devient tout à fait spécieux.


10. L’électoralisme est une politique à bien courte vue. En vue de réaliser une percée électorale, les trotskystes britanniques jouent, en l’occurrence, un jeu qui dessert les intérêts stratégiques de la construction d’une gauche radicale dans leur pays.


Ce qui les a déterminés, c’est d’abord et avant tout, un calcul électoral: tenter de capter les votes des masses considérables de personnes issues de l’immigration qui rejettent les guerres en cours menées par Londres et Washington (notons, en passant, que l’alliance avec la MAB s’est faite autour des guerres d’Afghanistan et d’Irak, et non autour de celle du Kosovo - et pour cause!).

 

L’objectif, en soi, est légitime, s’il se traduit par le souci de recruter parmi les travailleurs et travailleuses d’origine immigrée, par une attention particulière prêtée à l’oppression spécifique qu’ils/elles subissent, et par la mise en avant, à cette fin, de militant/es de gauche appartenant à ces communautés, notamment en les plaçant en bonne position sur les listes électorales. Tout ce que n’a pas fait l’extrême gauche française, en somme.


Par contre, en choisissant de s’allier électoralement - même si ce n’est que de façon limitée - avec une organisation intégriste islamique comme la MAB, l’extrême gauche britannique sert de marchepied à celle-ci pour sa propre expansion dans les communautés issues de l’immigration, alors qu’elle devrait la considérer comme une rivale à combattre idéologiquement et à circonscrire du point de vue organisationnel.

 

Tôt ou tard, cette alliance contre-nature se heurtera à une pierre d’achoppement, et volera en éclat. Les trotskystes devront alors affronter ceux-là mêmes dont ils auront facilité l’expansion pour le plat de lentilles d’un résultat électoral, dont il est loin d’être sûr, en outre, qu’il doit beaucoup aux partenaires intégristes.


Il n’est qu’à voir avec quels arguments les intégristes appellent à voter pour Respect (et pour d’autres, dont le maire de Londres, le labouriste de gauche Ken Livingstone, bien plus opportuniste encore que les trotskystes dans ses rapports avec l’association islamique). Lisons la fatwa du cheikh Haitham Al-Haddad, datée du 5 juin 2004 et publiée sur le site de la MAB.


Le vénérable cheikh explique qu’ «il est obligatoire pour les musulmans qui vivent à l’ombre de la loi des hommes d’agir par tous les moyens nécessaires pour que la loi d’Allah, le Créateur, soit suprême et manifeste dans tous les aspects de la vie. S’ils ne sont pas en mesure de le faire, il devient alors obligatoire pour eux de s’efforcer de minimiser le mal et de maximiser le bien.»

 

Le cheikh souligne ensuite la différence entre «voter pour un système parmi un nombre d’autres systèmes, et voter pour choisir le meilleur individu parmi un nombre de candidats dans un système déjà établi, imposé aux gens et qu’ils ne sont pas en mesure de changer dans l’avenir immédiat».

«Il ne fait pas de doute, poursuit-il, que le premier type [de vote] est un acte de Kufr [impie], car Allah dit “Il n’appartient qu’à Allah de légiférer”», tandis que «voter pour un candidat ou un parti qui gouverne selon la loi des hommes n’implique pas d’approuver ou d’accepter sa méthode». Il s’ensuit que «nous devons participer au vote, avec la conviction que nous tentons ainsi de minimiser le mal, tout en soutenant l’idée que le meilleur système est la Charia, qui est la loi d’Allah».


Le vote étant licite, se pose alors la question de savoir pour qui voter. «La réponse à une telle question requiert une compréhension profonde et précise de l’arène politique. Par conséquent, je crois que les individus doivent éviter de s’impliquer dans ce processus et confier plutôt cette responsabilité aux organisations musulmanes éminentes [...]. Il incombe donc aux autres musulmans d’accepter et de suivre les décisions de ces organisations.»

En conclusion de quoi, le vénérable cheikh appelle les musulmans de Grande-Bretagne à suivre les consignes électorales de la MAB et termine par cette prière: «Nous demandons à Allah de nous guider sur le droit chemin et d’accorder la victoire à la loi de notre Seigneur, Allah, dans le Royaume-Uni et dans d’autres parties du monde.»


Cette fatwa se passe de commentaire. L’opposition profonde entre les desseins du cheikh sollicité par la MAB et la tâche que les marxistes se fixent, ou devraient se fixer, dans leur action auprès des populations musulmanes est flagrante. Les marxistes ne sauraient chercher à récolter des votes à n’importe quel prix, tels des politiciens opportunistes prêts à tout pour être élus. Il est des soutiens, comme celui du cheikh Al-Haddad, qui sont des cadeaux empoisonnés. Il faut savoir désavouer ceux dont ils émanent: la bataille pour l’influence idéologique au sein des populations issues de l’immigration est d’une importance beaucoup plus fondamentale qu’un résultat électoral, aussi exaltant soit-il.


La gauche radicale, de part et d’autre de la Manche, doit revenir à une attitude conforme au marxisme dont elle se revendique. Faute de quoi, l’emprise des intégristes sur les populations musulmanes risque d’atteindre un niveau dont il sera fort difficile de la faire reculer. Le fossé entre ces populations et le reste des travailleuses et des travailleurs en Europe s’en trouverait élargi, alors que la tâche de le combler est l’une des conditions indispensables pour substituer le combat commun contre le capitalisme au choc des barbaries.


Le 15 octobre 2004.


G. Achcar, politologue, professeur à la School of Oriental and African Studies de l'Université de Londres

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9 avril 2010 5 09 /04 /avril /2010 11:00


5 avril 2010

Sous l’initulé « religion, émancipation, laïcité, féminisme », un ensemble de débats sont engagé au sein du Nouveau Pati anticapitaliste (NPA), suscités, notamment, par la présentation aux élections régionales de mars 2010, d’une candidate portant le foulard islamique dans le Vaucluse.


Les textes mis en ligne sur ESSF, qu’ils soient écrits par des membres du NPA ou d’autres, concernant cette question sont classés dans diverses rubriques en fonction de leurs thèmes centraux (situation politique, migrants, femmes, internationalisme, etc.). Pour les retrouver, il suffit de cliquer sur le mot-clé « DébatRELF » dans la colonne de gauche.


Nous présentons ci-dessous deux textes centrés sur la question du rapport entre parti et religion. Le premier, de Samy Joshua, a été publié dans le bulletin électronique de préparation au Comité politique national (CPN) du NPA ; le second, d’Yvan Lemaître, lui répond.



 10 thèses sur la religion, sa présence dans le parti et sa représentation publique

Samy Johsua


1/ Le NPA est fondé sur le matérialisme historique. Autrement dit, il considère que les évènements qu’il peut interpréter et qui touchent l’humanité dépendent de la nature, et des actes des humains. Pour ces derniers, ce sont les rapports sociaux qui constituent le moteur des évolutions historiques, et non pas l’idée qu’ils se font du monde.


2/ Le parti n’est pas athée, puisqu’il ne décide pas de la question de Dieu. Cette dernière question, comme Marx l’a montré, est « indécidable », au delà des sciences.


3/ Cependant, comme dit toujours Marx, « la critique de la religion est la condition première de toute critique ». Il faut prendre ceci au sens où l’esprit critique doit pouvoir se déployer librement sans se voir à aucun moment opposer une vérité réputée incontestable du seul fait qu’elle est issue d’une religion ou d’une parole révélée. D’autant que dans leur interprétation majoritaire, celles-ci comportent des aspects singulièrement oppressifs pour les femmes.


4/ Dans le cas le plus général, les Institutions religieuses ont partie liée avec l’ordre dominant, dont elles se nourrissent tout en en défendant les bases. Cela dit la lutte des classes parvient régulièrement à détacher des fractions y compris de ces Institutions : en bloc, ou en partie, ou encore au niveau des individus.


5/ La religion demeure cependant dans de larges régions du monde « le soupir de la créature opprimée, l’âme d’un monde sans cœur… l’opium du peuple ». On ne peut en sortir par la seule raison, mais fondamentalement par la lutte commune : « Exiger qu’il soit renoncé aux illusions concernant notre propre situation, c’est exiger qu’il soit renoncé à une situation qui a besoin d’illusions. ». Il s’en déduit que pour nous, unir les travailleurs-ses par delà leurs divergences religieuses est la voie à suivre.


6/ Il s’en déduit aussi que contrairement à la plupart des Institutions religieuses, les croyants en tant que tels ne sont pas des ennemis, mais, comme gens du peuple, des alliés potentiels. Il s’en déduit tout aussi automatiquement qu’ils ont leur pleine place dans notre parti si, comme tous les autres membres, ils en partagent les principes, et rejettent bien entendu tout prosélytisme.


7/ Pour le NPA – sans partager l’idée d’une quelconque neutralité de l’État -, la laïcité se définit comme la séparation entre les Institutions publiques et les Institutions religieuses, interdisant aux secondes toute intrusion formelle dans la formation de la décision et des choix politiques. La laïcité garantit la liberté de pensée (dont celle de critiquer les religions), ainsi que le droit au culte et la liberté de religion.

 

Ceci au plan privé, comme au plan de ses manifestations publiques. Inversement il en découle que les Institutions publiques doivent observer une stricte séparation avec toute manifestation religieuse, et que ses représentants doivent observer un devoir de réserve vis-à-vis de leurs croyances personnelles, sans manifestation visible de celles-ci. Dans notre conception cependant, un-e élu-e politique représente le programme sur lequel il-elle a été élu-e, pas le mythe bourgeois d’une « République une et indivisible ».


8/ Le parti est lui-même laïque et n’organise aucune propagande contre les croyances religieuses en tant que telles. Il s’oppose aux Institutions religieuses en tant qu’elles se constituent en centres de pensée et d’action réactionnaires. En son sein, tous les membres partagent ces principes de fond, et, croyants ou pas, disposent des mêmes droits et devoirs. Il s’en suit que les croyants peuvent se porter candidats à la représentation du parti.


9/ En France la sécularisation est la règle générale, dans toutes les parties de la population. Avec toutefois des décalages dans le temps pour certaines d’entre elles. Il nous faut veiller d’un côté à ne pas favoriser le retour de l’influence d’Institutions religieuses toujours promptes à vouloir contrôler nos vies. Mais d’un autre côté, dans une situation de rejet social et raciste d’une partie majeure du prolétariat en France, doublée d’islamophobie, et, où, en réaction, se manifeste parfois une affirmation de caractère religieux, nous ne devons pas faire de la relation à la religion un obstacle à l’entrée dans la lutte anticapitaliste dans les secteurs où son influence demeure incontestablement notable.


10/ Le parti doit s’interdire toutefois à ce qu’une croyance affichée de ses candidats ne soit comprise comme un appel à voter pour une religion particulière. Pour l’éviter il faut que l’investissement social reconnu et public du ou de la candidate en question prenne immédiatement, massivement et incontestablement le pas sur l’appartenance religieuse, et ceci non seulement aux yeux du parti, mais à ceux de la grande majorité de la population. Il y faut donc un débat spécial et des circonstances particulières et, inévitablement, rares. Et, évidemment ce n’était pas le cas de la candidature de Ilham.


* Contribution de Samy Johsua publiée dans premier fascicule du Bulletin électronique de discussion initulé « religion, émancipation, laïcité, féminisme » préparatoire à la réunion du Comité politique national (CPN) du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) des 28 et 28 mars 2010.



 En réponse à Samy, formuler des règles ou une politique du parti vis-à-vis des religions ?

Sans doute par souci de commencer à formuler une conclusion pour trancher les doutes et indécisions de nos discussions, Samy a énoncé 10 thèses sur la religion et le parti qui, comme il nous l’a dit lors du dernier CPN, se veulent une codification de la question, irréfutable selon ses propres mots.

 

Je suppose que Samy ne prétend pas à l’infaillibilité mais qu’il voudrait codifier un problème politique complexe par des règles irréfutables, c’est-à-dire qui s’imposent à tous pour éviter flottements voire errements. On voudrait partager la préoccupation mais je crois qu’il y a une erreur de méthode et je reste pour ma part sur une démarche plus ouverte, celle que nous avions essayé de formuler Monica et moi, dans un autre texte intitulé « Quelques points de discussion sur l’attitude de notre parti à l’égard de la religion ».

 

 

Il s’agit d’essayer de définir une démarche politique plus que d’établir des règles. Comme le démontrent la discussion et les faits récents, cette question, pas plus que toute autre, n’a pas de réponse formelle. Et le débat nous renvoie à notre propre cohérence, cohérence de parti socialiste, révolutionnaire qui ne saurait se définir comme parti laïc.

 

C’est cette cohérence et la démarche qui en résulte que la discussion a pour but de clarifier. Une première étape de cette discussion a eu lieu au CPN la deuxième sera celle du congrès mais il me semble nécessaire de préciser quelques points afin que cette idée de parti laïc ne s’impose pas comme une évidence alors qu’elle ne correspond pas à notre projet.

 

La première thèse nous dit « Le NPA est fondé sur le matérialisme historique ». Je ne crois pas que nous puissions dire cela ainsi. Le NPA est fondé sur un programme politique, celui de la transformation révolutionnaire de la société, qui renvoie aux conceptions modernes, scientifiques du socialisme dont Marx et Engels ont élaboré les bases.

 

Cette conception n’est pas un dogme ou une idéologie, elle ne se limite pas à l’histoire ni n’est achevée. Elle prend appui sur les connaissances scientifiques modernes, une compréhension matérialiste dialectique, peut-être pourrait-on dire évolutionniste du monde qui n’a rien à faire de l’hypothèse de dieu. Le marxisme est une référence, une philosophie, une méthode.


Samy écrit plus loin : « Pour ces derniers [les hommes], ce sont les rapports sociaux qui constituent le moteur des évolutions historiques, et non pas l’idée qu’ils se font du monde. » Mais qu’est-ce donc que l’évolution historique si ce n’est l’évolution des rapports sociaux ?

 

Cette évolution s’expliquerait par elle-même, certes, c’est indiscutable mais insuffisant. Pourquoi ne pas parler de lutte de classes ? L’évolution des sociétés s’explique quant au fond par l’évolution des sciences et des techniques, des moyens de production, et leur moteur, c’est la lutte de classes et donc aussi les idées que les hommes se font du monde et leur évolution. Etre matérialiste ne nie en rien le rôle des idées mais il tente d’expliquer et de comprendre ces dernières en relation avec les conditions d’existence.


Ensuite, Samy écrit : « Le parti n’est pas athée, puisqu’il ne décide pas de la question de Dieu. » Certes, d’une certaine façon, on pourrait dire que nous ne sommes pas athées puisque pour nous la question de dieu est vaine, ne se pose pas. Mais ce n’est pas ce que dit Samy. Il dit que nous ne savons pas ni ne pouvons démontrer l’indémontrable… Donc, tout est ouvert… Désolé, mais nous sommes athées au sens où nous sommes sans dieu, mécréants entre les mécréants…


Après avoir cédé à l’agnosticisme, Samy reprend l’offensive avec l’aide de Marx. Il le cite : « la critique de la religion est la condition première de toute critique », mais recule aussitôt pour donner à cette phrase le sens d’une simple revendication, au mieux exigence pour la pensée de « pouvoir se déployer librement sans se voir à aucun moment opposer une vérité réputée incontestable du seul fait qu’elle est issue d’une religion ou d’une parole révélée. »

 

On est en droit de donner à cette idée de Marx une autre force contestatrice. Que serait le droit à une pensée libre si cette pensée ne cherchait pas à œuvrer à saper les bases mêmes de la religion ? Pour Marx comme pour nous, toute critique passe par la critique des fondements idéologiques et moraux de la religion, c’est-à-dire des principaux préjugés qui justifient la soumission à l’ordre établi.


Ensuite Samy nous entraîne dans sa cinquième puis sa sixième thèse dans un raisonnement qui se conclut par une série de déductions qui auraient la force de l’évidence et… force de loi ! Cette méthode déductive aboutit à d’étranges résultats.


La première déduction est ainsi formulée : « pour nous, unir les travailleurs-ses par delà leurs divergences religieuses est la voie à suivre. » La religion devient une divergence, étonnant. A partir d’une évidence -nous travaillons à l’unité des opprimés, par delà les croyances, les nationalités...-, Samy fait de la religion une simple divergence.

 

L’unité que nous cherchons à construire est celle de la lutte et nous savons que c’est à travers la lutte et la solidarité que les opprimés pourront se libérer des habitudes de soumission qui sont le terreau des croyances religieuses, qu’ils trouveront la fraternité ici et maintenant sans avoir besoin de l’attendre de la soumission à un faux espoir… Mais cela ne nous fait pas oublier que les religions, comme tous les préjugés, tendent à diviser.


Ensuite, deuxième déduction : « contrairement à la plupart des Institutions religieuses, les croyants en tant que tels ne sont pas des ennemis, mais, comme gens du peuple, des alliés potentiels » Là encore, une évidence (relative, l’opposition entre institution et croyants est pour le moins mécanique, les institutions ne tiennent pas leur pouvoir que du ciel ! ) qui n’a d’autre intérêt que d’amener la troisième déduction : « Il s’en déduit tout aussi automatiquement qu’ils ont leur pleine place dans notre parti si, comme tous les autres membres, ils en partagent les principes, et rejettent bien entendu tout prosélytisme. »

 

Formellement, oui, mais les choses ne sont peut-être pas si automatiques sinon on ne comprend pas les débats et la crise que nous connaissons. Et, de fait, on en revient au point de départ, l’attitude du parti à l’égard de la religion.


Samy poursuit en donnant de la laïcité une définition trop étroite : « la laïcité se définit comme la séparation entre les Institutions publiques et les Institutions religieuses, interdisant aux secondes toute intrusion formelle dans la formation de la décision et des choix politiques. » Pour dénoncer plus loin « le mythe bourgeois d’une « République une et indivisible ».

 

La définition qu’il donne de la laïcité n’est pourtant rien d’autre que celle correspondant à ce mythe bourgeois. Pour nous, la laïcité considère la religion comme une affaire privée, ce qui implique la séparation de l’Etat des institutions religieuses et donc la fin de toute aide de l’Etat à ces dernières. Cela n’implique pas la neutralité. L’Etat devrait avoir pour tâche de développer l’enseignement des connaissances et des sciences qui sapent les bases des conceptions divines.


Il poursuit : « Le parti est lui-même laïc et n’organise aucune propagande contre les croyances religieuses en tant que telles ». Qu’est-ce que cette invention ? Le parti serait-il en deçà d’un instituteur qui fait correctement son travail et enseigne les théories de l’évolution en écartant par avance toute conception créationniste ?

 

Non, une telle passivité reviendrait à de l’opportunisme. Si le parti n’agresse pas les croyances, pas plus qu’ils n’agressent d’autres préjugés ou fait la morale aux opprimés, il éduque, ne craint pas de faire de l’agitation, de la propagande pour les idées du socialisme scientifique, d’argumenter la perspective du socialisme à partir de l’évolution des sociétés humaines. Il éduque, explique, convainc, entraîne dans la lutte.


Et poursuit Samy, « en son sein, tous les membres partagent ces principes de fond, et, croyants ou pas, disposent des mêmes droits et devoirs. Il s’ensuit que les croyants peuvent se porter candidats à la représentation du parti ». Sauf qu’une fois que l’on a dit ça, on n’a rien dit. Et Samy devrait bien l’avoir compris avec ce qui s’est passé à Avignon.

 

Il semble raisonner comme s’il voulait ignorer la réalité, l’enfermer dans des formules. N’est-ce pas ce raisonnement qui l’a lui-même aveuglé ? Ecrire ça aujourd’hui n’est-ce pas tout justifier, et la candidature et l’attitude de celles et ceux qui ont laissé faire ? Nous ne discutons pas abstraitement, nous avons une expérience, commune même si certains camarades en étaient plus directement informés que bien d’autres, une expérience pénible. Nous n’avons aucun intérêt à faire comme s’il ne s’était rien passé.


« Nous ne devons pas faire de la relation à la religion un obstacle à l’entrée dans la lutte anticapitaliste dans les secteurs où son influence demeure incontestablement notable. » Le parti aurait-il le pouvoir de décider qui participe ou non à la lutte anticapitaliste ? Bien évidemment non et il ne le souhaite bien au contraire mais il a le devoir de ne pas être passif, de jouer son rôle d’éducateur, de direction plutôt que de s’adapter passivement.


Et c’est bien là le problème, celui d’avoir une politique démocratique et révolutionnaire. Démocratique parce que sans démocratie il n’y a pas d’éducation des exploités par l’action individuelle et collective, par l’expérience partagée, les débats, les confrontations, les vérifications… Révolutionnaire parce qu’il encourage chacune et chacun à devenir des acteurs de cette démocratie, acteur de leur propre émancipation pour briser les chaînes de l’oppression et des préjugés…

 

Et le fond de la question est bien que nous ne sommes pas neutre à l’égard de la religion ou des croyances religieuses, nous ne sommes pas un parti laïc.


En bons matérialistes, nous sommes convaincus de la force des idées, de la compréhension des rapports de classes, du rôle de la religion dans l’histoire comme dans ces luttes de classes… La force des idées quand elles décrivent des réalités objectives et permettent aux hommes de les comprendre pour agir et transformer le monde, pour partir à l’assaut d’un ciel depuis longtemps abandonné par les dieux et les déesses…  

 

Le 5 avril 2010

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9 avril 2010 5 09 /04 /avril /2010 10:44

Nous continuons à mettre en ligne des contributions aux débats ouverts dans le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) et au-delà par la présentation, lors des élections régionales de mars 2010, d’une candidate musulmane voilée dans le Vaucluse.


Les textes mis en ligne sur ESSF, qu’ils soient écrits par des membres du NPA ou d’autres, concernant cette question sont classés dans diverses rubriques en fonction de leurs thèmes centraux (situation politique, migrants, femmes, religion, internationalisme, etc.). Pour les retrouver, il suffit de cliquer sur le mot-clé « Débat RELF » dans la colonne de gauche.



 Contre l’esprit de clocher

Pierre-Yves Salingue


« Je suis œcuménique par nature…Je vais toujours à l’église. J’ai beaucoup d’amis qui sont des pères. La semaine passée, je suis allée quatre fois à la messe. Mon expérience religieuse est avec le camarade qui est là-haut dans les cieux »


Voilà une femme qui ne saurait être porte paroles du NPA : aller 4 fois à la messe en une semaine, fréquenter des « corbeaux » (autres « oiseaux de mort » ?) et le dire dans un entretien avec la presse, n’est-ce pas « encourager une forme de prosélytisme religieux » ? Prétendrait-elle que les croyances religieuses sont compatibles avec les principes d’un parti qui lutte contre toutes les formes d’aliénation ?


Cette femme, c’est Heloïsa Helena. Quand elle a tenu ces propos elle venait d’être exclue du PT pour avoir défendu les résolutions du congrès du PT contre les réformes proposées par le gouvernement Lula.


Depuis, Heloïsa Helena a été la candidate du PSOL pour les élections présidentielles de 2006, recueillant 7 millions de voix.

Aujourd’hui elle est présidente et porte-parole du PSOL, élue à l’unanimité lors du dernier congrès.


Photos de manifestations. Au premier rang, des femmes. Beaucoup portent le foulard, « symbole et manifestation de l’oppression des femmes ».

Ce n’est certainement pas un parti anticapitaliste et révolutionnaire qui pourrait « porter politiquement un tel message d’insulte directe à toutes les femmes qui luttent contre les oppressions patriarcales et religieuses » ?


Et pourtant ce n’est pas une manif d’intégristes. Les drapeaux sont rouges et les slogans sont contre la dictature, contre la durée du travail, pour exiger les droits sociaux des femmes travailleuses etc. Un commentaire évoque la nécessité de la lutte contre le fondamentalisme religieux ET contre l’Impérialisme.


Ce sont nos camarades du LPP, au Pakistan. Leur déclaration du 1er Mai 2009 affirme que la religion est une question privée et que les travailleurs doivent s’organiser suivant des lignes de classe.


Message du NPA : « Nous saluons le courage avec lequel vous défendez les droits démocratiques de toutes et tous –y compris des minorités religieuses– ; avec lequel vous luttez contre les traditions patriarcales ; avec lequel vous défendez une alternative séculière dans un pays déchiré par les fondamentalismes »


Alors comment expliquer que ce qui est ici une insulte au féminisme est là-bas partie intégrante de la lutte contre le patriarcat ?

Ces deux exemples pour introduire une question :

Nous nous inscrivons dans une perspective internationaliste.

Qui sait si une éventuelle porte-parole d’une internationale dont serait membre le NPA n’afficherait pas des convictions religieuses et si des partis ne trouveraient pas normal de pouvoir être représentés par des femmes portant le foulard ?


La dénonciation des religions sera-t-elle dans les bases programmatiques d’une nouvelle internationale qui viserait vraiment à être « l’expression organisée et militante des opprimés » ?


Qui va dire à Chavez qu’il doit abandonner ses fréquentes références à Dieu, à Heloïsa qu’elle doit se cacher pour aller à la messe et au LPP qu’il ne doit plus autoriser les femmes voilées en tête de manifestation ?

Qui va dire aux millions de femmes arabes, pakistanaises, afghanes, latino-américaines, africaines… qu’elles doivent laisser Dieu derrière elles et adopter, telle une autre vérité révélée, la philosophie matérialiste et qu’à défaut elles ne sauraient représenter le parti ?


Si l’affirmation « l’émancipation des travailleurs sera… » reste notre boussole, alors il est clair qu’aucune révolution n’est envisageable sans la participation massive de travailleurs « religieux » et d’autres non religieux. Notre parti devra veiller à ce que ceci ne fasse obstacle ni à l’unité nécessaire des exploités dans la lutte ni à l’égale expression des talents dans son action et dans sa construction.


Mais je vais finir sur une note optimiste, en adepte convaincu des bienfaits du matérialisme marxiste.

La religion n’est pas l’élément le plus important de la conscience et la pratique sociale est plus importante que la conscience.

Il en est de la religion comme pour d’autres superstitions, fausses croyances ou erreurs politiques : elles ont des racines matérielles et sociales.

Quand notre parti sera plus implanté dans des secteurs tels que le nettoyage, la restauration collective, la métallurgie ou le bâtiment, nous ne vivrons plus comme « une difficulté politique » le fait qu’une « femme voilée nous rejoint et porte un discours en adhésion avec nos principes » !


Nous accueillerons ces prolétaires, femmes et hommes, croyants et athées avec un grand sourire, en leur disant : ici c’est ton parti, tu as le droit d’y parler et d’agir. Ensemble dans le combat pour l’auto-émancipation, nous serons plus forts pour défaire l’exploitation et l’oppression.


Et moi, l’athée, je dirai au croyant : quand nous aurons vaincu ensemble, nous verrons bien si l’hypothèse de Dieu t’est toujours indispensable.


* Contribution publiée dans premier fascicule du Bulletin électronique de discussion intitulé « religion, émancipation, laïcité, féminisme » préparatoire à la réunion du Comité politique national (CPN) du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) des 28 et 28 mars 2010.



 Ne pas faire l’autruche

Pierre Rousset


A lire Pierre-Yves Salingue, le débat qui nous agite sur la laïcité, le religieux et la représentation d’un parti luttant pour l’émancipation relèverait d’une particularité française. Il suffirait que nous abandonnions « l’esprit de clocher » et que nous nous mettions à l’unisson de ce que font nos camarades dans les autres pays pour que tout baigne, pour que se calme cette tempête dans notre verre d’eau tricolore.


Sa contribution est écrite sous une forme proprement angélique, qui ne manque pas d’étonner de la part d’un militant qui a bien assez d’expérience pour savoir que les choses ne sont pas si simples ; et que problèmes il y a.

Pour étayer sa thèse de « l’exception française », P.-Y. Salingue renvoie à deux exemples : le Brésil et le Pakistan. Deux exemples qui pourtant invalident son argumentaire.


Au Brésil. P.-Y. Salingue commence par souligner à quel point Heloísa Helena, figure de proue de la contestation à gauche du gouvernement Lula, est religieuse. Il enfonce le clou : qu’une Heloísa soit porte-parole du PSOL (« parti frère » du NPA) ne pose aucun problème au Brésil, pourquoi faudrait-il qu’il en soit différemment en France ?


Par honnêteté, Salingue aurait dû en dire un peu plus. Car, malgré toutes ses qualités politiques, les convictions religieuses d’ Heloísa ont bel et bien fini par poser problèmes, et pas des moindres.


A son congrès de fondation, le PSOL a adopté une résolution favorable au droit à l’avortement, poursuivant un combat difficile au Brésil. Pour sa part, Heloísa est contre l’avortement, c’est son choix et son droit ; mais en tant que porte-parole du PSOL, elle ne devait pas opposer ses convictions religieuses personnelles au positionnement politique collectif de l’organisation. Pourtant, après le congrès, elle a commencé à participer à des campagnes contre ce droit avec, entre autres, des secteurs de la droite de l’Eglise catholique. Cette question a rebondi au deuxième congrès du PSOL, sans être résolue.


Comprenons l’importance de l’affaire. Nous parlons bien du droit à l’interruption volontaire de grossesse ; ce droit sans lequel un très grand nombre de femmes doivent avorter dans les pires conditions sanitaires, sociales et psychologiques. D’un droit humain fondamental et d’un droit essentiel des femmes. D’un droit dont la négation pèse particulièrement lourd sur les pauvres. C’est à ce droit que s’oppose la criminalisation de l’avortement. Cela n’a rien d’un détail, d’une question secondaire !


D’autres cadres politiques du PSOL qui partagent les convictions religieuses d’Heloísa, comme Plínio Sampaio, un dirigeant de la gauche catholique, n’ont pas adopté le même comportement, car ils sont clairement pour la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Ils ne veulent pas que la position des catholiques soit imposée à toutes et tous par la loi. Le contrat entre l’organisation et ses porte-parole peut donc être respecté, par delà les croyances ou l’absence de croyance des uns et des autres. Mais cela exige un positionnement très ferme sur la laïcité, la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Cela ne va pas de soi, et c’est ce que cache l’angélisme de Pierre-Yves Salingue.


Au Pakistan. J’ai l’impression que P.-Y. Salingue, en regardant les photos de manifestations au Pakistan, confond le châle, une pièce vestimentaire qui peut se porter sur la tête ou rabattue sur les épaules, et le foulard islamique, le voile. Mais il y a évidemment des femmes voilées dans les manifestations du Labor Party Pakistan et quelques-unes des déléguées au récent congrès du LPP, auquel j’ai assisté, portaient un foulard islamique, même si elles étaient fort peu nombreuses à le faire.


J’ai relu plusieurs fois le reste du texte de Salingue consacré au Pakistan sans comprendre en quoi ce dont il parle serait jugé en France comme « une insulte au féminisme ». La religion, question privée ; l’organisation des travailleurs selon des lignes de classe ; la lutte conjointe contre le fondamentalisme et l’impérialisme ; la défense des droits démocratiques et des minorités opprimées (en l’occurrence souvent des chrétiens) ; le combat contre les traditions patriarcales et pour une alternative « séculière » (laïque)… Parfait !


Mais soulignons ce qui me paraît essentiel, en ce qui concerne la question en discussion ici. Le LPP et les forces progressistes pakistanaises combattent l’islamisation de la société, qui signifie notamment son « envoilement » – ou du moins l’envoilement des femmes. C’est la résistance à cette islamisation qui mérite d’être valorisée au nom des droits démocratiques en général et plus particulièrement, dans le cadre d’un combat multiforme contre l’oppression des femmes.


Ce n’est pas pour rien que dans le compte rendu d’une récente mobilisation paysanne, Farooq Tariq salue la présence de « plus de 2 000 femmes sans voile ou burqa, côte à côte avec les autres » manifestants, hommes. De la même façon, j’avais été frappé, en 2006, par la façon dont bien des femmes libéraient leur tête quand elles pénétraient dans l’enceinte protectrice du Forum social mondial de Karachi.

 

Ou comment, lors d’un grand meeting du Forum des pêcheurs pakistanais (PFF), des villageoises avaient occupé la tribune, rabattu leurs châles, commencé à danser et invité les hommes et les délégués étrangers à les rejoindre… Le LPP accueille en son sein des femmes voilées, mais préfère être représenté par des cadres qui incarnent ce combat démocratique contre l’islamisation forcée du pays.


La laïcité, un enjeu international. Tous les pays ont leurs spécificités politiques et culturelles et la France n’échappe évidemment pas à la règle. Il n’y a pas un modèle standard de laïcité qui puisse être appliqué dans le monde entier. Mais il ne faut pas pour autant réduire la laïcité à la simple « neutralité » de l’Etat vis-à-vis des religions.

 

La séparation des églises et de l’Etat exige plus que cela. Il s’agit de réunir les conditions d’une citoyenneté commune à toutes et tous, l’un des fondements d’une égalité démocratique.


J’aurais tendance à retourner l’argument de Pierre-Yves Salingue. Nous vivons en France dans l’une des sociétés les plus laïcisées, sécularisées, du monde. Nous avons donc du mal à percevoir ce qui se passe dans les sociétés où le religieux envahit l’espace public. A quel point alors les pressions (qu’elles soient légales ou simplement sociales) à la conformité s’accroissent ; à quel point s’avivent les tensions intercommunautaires (y compris entre sectes d’une même religion) ; à quel point la subordination des femmes se densifie ; à quel point les homosexuels peuvent se retrouver en danger de mort…


Cela fait déjà longtemps que je pense que le combat pour la laïcité est redevenu à l’échelle internationale un front de lutte essentiel. Le tableau est sans appel : Islamisation forcée au Pakistan et mobilisation des hindouistes en Inde pour remettre en cause de caractère laïc de l’Etat.

 

Poids politique croissant des évangélistes protestants et refondation réactionnaire du Vatican en Occident tout autant que dans les pays du Sud. Incroyables pressions des idéologies les plus obscurantistes comme le créationnisme aux Etats-Unis (et même en Europe).

 

Danger de communautarisation des lois de la famille dans des pays comme la Grande-Bretagne, dont les premières victimes seraient des filles et des femmes. Vaste offensive contre le droit à l’IVG menée par l’Eglise catholique de l’Espagne au Nicaragua en passant par l’Italie. Chappe de plomb conformiste qui pèse de plus en plus lourd même là où les lois ne changent formellement pas, comme en Tunisie…


Cette énumération est loin d’être exhaustive. Il n’y a à cette situation rien d’étonnant : la crise de perspective socialiste et la mondialisation capitaliste ont créé les conditions d’une remontée internationale de la réaction religieuse et d’un recul très dangereux de la laïcité.


Le principal reproche que je fais à la contribution de Pierre-Yves Salingue est de renforcer la myopie française (ou d’une partie de la gauche française) en minimisant l’urgence internationale du combat pour la laïcité. Plutôt que d’opposer en la matière la France au monde, il vaudrait mieux discuter ce que nous pouvons apprendre de la situation dans les autres pays sur cette question : c’est un combat souvent complexe, poursuivi dans des conditions difficiles.

L’angélisme n’aide certainement pas à cette réflexion. Il ne faut pas faire l’autruche – oserais-je dire qu’il ne faut pas se voiler la face en prétendant qu’outre-Hexagone, le religieux en politique ne fait point problème ?


Le 7 avril 2010



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7 avril 2010 3 07 /04 /avril /2010 12:43

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mercredi 7 avril 2010 (09h05)


Prise de position du Comité central de la LDH


Depuis l’affaire de Creil en 1989, la LDH a maintenu avec constance sa position, joignant la critique du port du foulard et du voile, au nom de l’émancipation des femmes, au refus de toute loi excluante, stigmatisante et empiétant sur les libertés publiques. Or, il se trouve qu’aujourd’hui cette position est celle de nombreux citoyens et responsables politiques et en particulier celle de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, alors même que le débat s’est crispé. Bien plus rédhibitoire que le foulard, on a vu apparaître le port ultra-minoritaire mais spectaculaire du voile intégral ; le gouvernement a lancé un débat sur l’identité nationale, très vite identifié par l’opinion comme un débat sur l’Islam ; le premier ministre nous annonce une loi interdisant le port de la burqa. Disons tout de suite, pour sortir de la confusion, que parler de « burqa » est un abus de langage : le mot désigne le costume généralement bleu, entièrement fermé, avec un grillage devant les yeux, imposé aux femmes par la société afghane. Le voile intégral, noir, d’origine saoudienne, est une négation rédhibitoire de la personne, mais il ne renvoie pas à l’horreur meurtrière des talibans. Dramatiser le débat, s’il en était besoin, n’est pas innocent.

Nous tenons à affirmer un certain nombre d’éléments essentiels.


1- La laïcité n’a rien à voir dans la question du voile intégral


Les législateurs de 1905 s’étaient résolument refusés à réglementer les costumes, jugeant que c’était ridicule et dangereux : ils préféraient voir un chanoine au Parlement en soutane plutôt qu’en martyr. La laïcité qu’ils nous ont léguée et à laquelle nous sommes fortement attachés, c’est la structure du vivre ensemble : au-dessus, la communauté des citoyens égaux, la volonté générale, la démocratie ; en dessous, des communautés partielles, des syndicats, des associations, des Eglises, une socialisation multiple et libre qui peut même se manifester ou manifester dans l’espace public, mais en aucun cas empiéter sur la volonté générale, et enfin la singularité des individus qui choisissent librement et combinent entre elles leurs croyances et leurs appartenances.


En conséquence, le politique n’a ni à se mêler de religion, ni à traiter une religion différemment des autres ; la loi n’a pas à régler les convictions intimes qu’elle suppose chez les individus ; la République n’a pas à dire ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas mais à protéger également tous ceux qui résident sur son territoire, sauf s’ils mettent en cause l’ordre public.

Le pluralisme religieux et culturel est constitutif de l’unité de la France, qui a toujours connu à la marge des dérives fanatiques, intégristes ou sectaires déplorables mais éphémères. Donc laissons la laïcité tranquille.


2- L’égalité hommes-femmes attend une vraie politique


L’argument principal, et tout à fait justifié sur le fond, contre le port du voile, c’est qu’il signale de manière radicale l’infériorisation des femmes. C’est bien le cas si le port du voile est imposé par le mari ou un autre homme de la famille. Dans ce cas, la France dispose des outils législatifs permettant à une femme de déposer une plainte pour contrainte ou séquestration et d’obtenir le divorce aux torts de son mari ; sachant bien sûr combien cette démarche peut être difficile pour elle.


Mais il peut s’agir aussi, comme l’attestent de nombreux témoignages, d’une servitude volontaire. Or la liberté ne s’impose jamais par la force ; elle résulte de l’éducation, des conditions sociales et d’un choix individuel ; on n’émancipe pas les gens malgré eux, on ne peut que leur offrir les conditions de leur émancipation. Pour faire progresser l’égalité et la mixité entre les hommes et les femmes, ce qui est urgent, c’est de promouvoir des politiques dans les domaines éducatifs, salariaux et professionnels, des droits sociaux, un meilleur accès à la santé et à la maîtrise de la procréation. Ces problèmes concernent des millions de femmes dans la France d’aujourd’hui et ne sont en rien traités de façon prioritaire. Un abcès de fixation sur quelques centaines de cas ne fait certainement pas avancer l’égalité, qui appelle au contraire à revenir à la solidarité entre toutes les femmes.


3- Une surenchère de discriminations n’est pas la solution


La question du voile intégral renvoie en réalité à un profond malaise des populations concernées, auxquelles la République n’a pas pu ou pas été capable de faire une place. D’où l’apparition de vêtements et de coutumes dont la signification est très complexe, depuis le port du foulard par des adolescentes des banlieues comme signe identitaire jusqu’à ce voile intégral qui est un paradoxe : à la fois dissimulateur de la personne et signe ultra-visible, provocateur, d’un refus de la norme sociale, sous prétexte tantôt de religion, tantôt de pudeur. Même si nous réprouvons ce choix, ce n’est pas une raison pour essentialiser et déshumaniser des femmes qu’on réduit à un signe abstrait et que l’on exclut de toute vie publique.


Interdire le voile, c’est conforter la posture de ces femmes, c’est en faire doublement des victimes : résultat absurde d’une volonté soit-disant émancipatrice. Elles porteraient seules le poids d’une interdiction imposée en grande partie par la domination masculine, et cette interdiction les exclurait à coup sûr de la cité. En revanche tous les musulmans, hommes compris, se sentiraient blessés par une loi qui ne toucherait que l’islam.


4- Droits et libertés


Ce serait en plus ouvrir une voie extrêmement dangereuse en termes de libertés publiques. Réglementer les costumes et les coutumes est une pratique dictatoriale ; que ce soit de façon discriminatoire, pour signaler une population donnée, ou au contraire par l’imposition d’une règle universelle. Obliger les femmes à porter le voile comme leur interdire de cacher leur visage (sauf dans les cas prévus où l’identité doit être prouvée) est également liberticide.


Si une telle hypothèse est présente, c’est que la société française a été profondément intoxiquée par des idées venues de l’extrême-droite et qui se sont infiltrées jusque dans la gauche : la peur de l’immigré, de l’étranger, les relents de notre histoire coloniale, la tentation de l’autoritarisme.

La LDH a une tout autre conception de la démocratie, des droits, de l’égalité et des libertés.


4- Vivre ensemble


La LDH refuse les termes d’un débat instrumentalisé, qui risque de déboucher sur une loi perverse et dangereuse.

Des millions de musulmans vivent en France, et pour beaucoup vivent mal. Ce n’est pas un ministère de l’Identité nationale qui résoudra leurs problèmes et qui leur offrira un avenir, mais des politiques sociales et anti-discriminatoires ; c’est un travail politique, citoyen, de réflexion sur les conditions du “vivre ensemble“.


C’est aussi leur responsabilité individuelle et collective, qui attend par exemple, pour ceux qui sans en avoir la nationalité résident en France, le droit de vote pour pouvoir s’exercer.


source : http://www.ldh-france.org/Prise-de-...

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4 avril 2010 7 04 /04 /avril /2010 10:27
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4 avril 2010 7 04 /04 /avril /2010 10:03
Publié le: 17 mars 2010

Le vendredi 5 mars 2010 dernier, s’est déroulée à la maison des associations à Genève une conférence organisée par la Gauche Anticapitaliste, intitulée “Antisionisme, antisémitisme, islamophobie: Essayons d’y voir clair!”, présentée par Gilbert Achcar. Cette conférence est écoutable ici :

http://www.lachaine.ch/spip/spip.php?article168


Gilbert Achcar est professeur à la School of Oriental and African Studies de l’Université de Londres et collaborateur du Monde Diplomatique. Il a publié un nombre important d’ouvrages qui font référence : “La nouvelle guerre froide”, “Le choc des barbaries”, “L’Orient incandescent” et, avec Noam Chomsky, “La poudrière du Moyen Orient”… Il vient de publier  un nouvel ouvrage intitulé “Les Arabes et la Shoah. La guerre israélo-arabe des récites”, Actes Sud / Sinbad, Paris, 2009.

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Photo: www.lachaine.ch

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