Par Jean-Philippe Divès
mardi 26 février 2013 Publié dans : Revue Tout est à nous ! 39 (janvier 2013)
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Difficile de ne pas se divertir au spectacle des déchirements tragicomiques du parti ex-présidentiel… En même temps, cette crise pourrait bien modifier en
profondeur le champ politique à droite ; et une des grandes bénéficiaires, s’appeler Marine Le Pen.
« La crise va s’approfondir », écrivions-nous à propos de l’UMP au lendemain de la défaite de Sarkozy(1). Personne n’imaginait pourtant l’incroyable scénario de
l’affrontement Copé-Fillon, avec son accumulation d’accusations de fraude, insultes et coups tordus, débouchant sur une scission du groupe parlementaire à l’Assemblée nationale. De même était-il
difficile de concevoir que cette crise échappe à tout contrôle, à tel point que même Sarkozy, après Juppé, ne parvienne pas à imposer sa « médiation ». On a donc vu se développer et agir
pleinement les facteurs de crise qui apparaissaient dès avril-mai 2012. Ce qui a débouché sur une situation faisant surgir, ou révélant, des fractures qui posent de nouveaux problèmes.
Bonapartisme sans bonaparte
Après Chirac, Sarkozy s’était emparé de l’UMP corps et âme. Logiquement, l’un des déclencheurs de la crise a donc été sa mise en retrait sans successeur désigné.
L’UMP reste en effet un parti verticaliste, accoutumé à suivre les yeux fermés un sauveur, un chef ne pouvant être que le président en exercice ou le candidat à la présidence de la
République.
Les tentatives d’en faire une formation de droite plus proche des normes de la démocratie bourgeoise, sur le modèle des partis de droite d’autres pays européens (de
l’Union chrétienne démocrate d’Angela Merkel, au Parti conservateur d’un David Cameron qui défend le mariage gay), ont fait long feu. Le fait qu’avant le scrutin, les divergences de fond aient
été simplement tues, tout se centrant sur les personnalités des impétrants (notamment lors du débat télévisé Copé-Fillon), illustre cette culture de « parti godillot ». Ainsi, après le départ
soudain de son chef, l’UMP s’est retrouvée comme un corps sans tête, un bonapartisme sans bonaparte.
Dès lors, toutes les ambitions étaient libres de se déchaîner, et elles n’ont pas manqué de le faire.
La compétition s’est vite trouvée polarisée entre l’ex-premier ministre de Sarkozy et le secrétaire général de son parti, qui se partageaient l’essentiel des
soutiens des parlementaires et des responsables locaux. Mais le second a pu s’appuyer en outre sur l’appareil central, qu’il contrôlait et qui l’a déclaré vainqueur. Les deux prétendants ont
aujourd’hui perdu beaucoup de leur aura parmi les militants et dans l’électorat de droite. Mais leur affaiblissement ne fait que préparer de nouveaux affrontements.
D’autres en effet sont aux aguets. Se référant aux candidats écartés lors de la phase des parrainages (Bruno Le Maire, Nathalie Kosciusko-Morizet, Xavier Bertrand…),
l’éditorialiste Françoise Fressoz note sur son blog du Monde : « En deux semaines, les non alignés ont changé de statut. Au début de la guerre Fillon-Copé, ils se voulaient casques bleus,
aujourd’hui ils ressemblent plutôt à des piranhas. Convaincus que leurs aînés sont durablement discrédités, ils veulent leur part du gâteau. MM. Fillon et Copé sont prévenus : plus ils tardent à
s’entendre, plus leur autorité sur le mouvement s’affaiblit. »(2). Autrement dit, la guerre des chefs n’en est qu’à ses débuts.
Le débat sur la droitisation
L’autre déclencheur a été le résultat du second tour présidentiel, plus serré que beaucoup ne l’attendaient. Du fait de ce résultat, aucun argument définitif n’a pu
être avancé pour tenter de résoudre la divergence, apparue pendant la campagne présidentielle, sur son caractère ultra droitier, draguant ouvertement les électeurs du FN. La « stratégie de
droitisation » inspirée par Patrick Buisson, conseiller de Sarkozy, l’avait-elle conduit à la défaite, ou bien grâce à elle n’était-on passé qu’à un cheveu de la victoire ?
Le politologue Dominique Reynié, proche de l’UMP, souligne que cette dernière « a échoué à ce dernier scrutin dans les pires conditions car elle ne sait pas dire
aujourd’hui si elle doit cette défaite à un déficit de droitisation ou, au contraire, à un excès »(3). Autour de Fillon, qui affirme vouloir « défendre le rassemblement de la droite et du centre,
les valeurs républicaines, le service de l’intérêt général », se sont donc réunis les partisans d’un recentrage sur une ligne de droite plus traditionnelle. Derrière Copé, ses propos sur le
racisme anti-blanc et son pain au chocolat, se sont groupés les défenseurs de la « droite décomplexée ».
Il y a des exceptions : les plus « modérés » Jean-Pierre Raffarin et Luc Châtel se trouvent ainsi avec Copé, et les très droitiers Eric Ciotti et Christian Estrosi
au premier rang filloniste. Mais comme dans tous les partis institutionnels, les alliances et clivages ont souvent d’autres ressorts que des lignes idéologiques : amitiés, haines, intérêts,
calculs… N’a-t-on pas vu, au second tour de la primaire socialiste, Arnaud Montebourg défier ce qui semblait la logique en soutenant François Hollande contre Martine Aubry ?
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