“Que vous soyez pour ou contre les juifs, vous ne pouvez pas nier que ces gens-là posent problème.” (Charles Maurras, 1936)
Selon Grégoire Chamayou, philosophe et chercheur à l’institut Max Planck à Berlin : « Toute chasse s’accompagne d’une théorie de sa proie, qui dit pourquoi, en vertu de quelle différence, de quelle distinction, certains peuvent être chassés et d’autres pas. L’histoire des chasses à l’homme se fera donc par celle des techniques de traque et de capture mais aussi par celle des procédés, d’exclusion, des lignes de démarcation tracées au sein de la communauté humaine afin d’y définir les hommes chassables. »
(« Les chasses à l’homme », Éditions La fabrique, 2010)
Parler du racisme ? Oui mais lequel : racisme anti blanc, anti immigré, anti Rom ? Et le racisme de classe ? Pour nous le problème de la France ne vient pas des musulmans. Mais il existe une stratégie réfléchie et organisée pour intoxiquer les Français. Le musulman sert de bouc émissaire : la montée du FN, le chômage, la crise... C’est l’immigration musulmane ! Le capitaliste bourgeois n’a pas de souci à se faire tant que le musulman, le Rom sera présenté d’abord comme un "drogué, un "violeur", ‘’un voleur’’, un "délinquant", "un antisémite", "un islamiste". Ainsi la question, la vraie ne sera pas posée : celle de la lutte des classes.
Aujourd’hui il y a la crise, beaucoup de Français sont licenciés... alors que les entreprises ont fait des bénéfices énormes (Sanofi, Total). Et pourtant la gauche radicale à du mal à se faire entendre sur la question de l’immigration. Laurent Joffrin déplora l’aveuglement et la mauvaise foi puisque : « Un candidat qui proclame à tous vents que l’immigration ne pose aucun problème ne saurait remporter un grand succès auprès des ouvriers et des employés, qui craignent la concurrence d’une main-d’oeuvre sous-payée et corvéable à merci ». Nous considérons qu’il s’agit d’une invention, et nous proposons donc de revenir sur la stigmatisation des « étrangers », des « minorités ». Aujourd’hui on fait porter au jeune d’origine immigrée, le fait de ne pas avoir un emploi : tout est de sa faute, et tout est du à son appartenance culturelle – et rien à la société, la discrimination structurelle, aux hiérarchies sociales et post coloniales en place. Nous proposons de comparer les propos racistes d’hier et d’aujourd’hui.
I- Du problème juif au problème musulman
En 1911, le démographe Jacques Bertillon dénonçait la présence des juifs (dans son livre « La Dépopulation de la France ») : « Un problème angoissant devrait seul occuper toute la pensée des Français : comment empêcher la France de disparaitre ? Aucun des grands pays d’Europe ne compte un nombre aussi énorme d’étrangers… Avec le temps, (les étrangers) acquièrent des droits civils dont ils voudront peut-être abuser un jour… Ce qui aggrave le danger que nous craignons pour l’avenir, c’est que les étrangers de même nationalité sont massés dans certains coins du territoire… ».
En 2010, Éric Zemmour émet une critique quasiment identique à propos des Arabes et des Noirs, immigrés ou enfants d’immigrés : « Les Français observent la rue, le métro, les salles de classe, surtout dans les quartiers populaires, et constatent l’évidence : le grand remplacement. La France est le seul pays d’Europe où l’ancienneté continue de l’immigration de masse, le droit du sol, et l’interdiction des statistiques ethniques se conjuguent pour rendre toute discussion scientifiquement impossible. Tout le reste est idéologique. Les experts et la loi parlent uniformément de citoyens français, en fonction de la nationalité : le Français de la rue constate la modification de la composition du peuple français. »
Raymond Millet soutient en 1938 (livre intitulé « Trois millions d’étrangers en France ») que dans la rue des Rosiers : « Le yiddish est la langue courante en ces parages : dans quelques cinémas par exemple au Bellevue ou au Palermo- c’est celle que parlent les personnages des films… » Et il parle des « jugulateurs à barbe noire, à la calotte noire, aux vêtements noirs maculés de sang… »
Alain Finkielkraut le singe involontairement, de nos jours, ça donne ceci : « Je pense que nous en sommes au stade du pogrom antirépublicain. Il y a des gens en France qui haïssent la France en tant que République… Alors pourquoi parlent-ils le français comme ils le font ? C’est du français de boucher, l’accent, les mots, la grammaire. Est-ce à cause de l’école ? À cause des profs ? Il ya une haine sans précédent de la culture française. Et il ya dans certaines cités une espèce de nettoyage ethnique, c’est-à-dire qu’on vire des gens pour rester entre soi. ».
Pierre Tissier, résistant, affirme en 1942 :« Le problème juif existe, même en France. C’est un fait indéniable et aucune politique réaliste ne peut pas ne pas le regarder comme tel. Entre eux, il existe une unité absolue du langage, des traditions, de l’éducation morale et intellectuelle. »
Le colonel Rémy, résistant lui aussi, dit en 1940 sur les juifs qu’ils « ont authentiquement gagné leur qualité de Français. Mais la masse des métèques doit pour toujours être éliminée de notre pays. »
Soixante-dix ans plus tard, Éric Zemmour écrira dans son livre « Mélancolie française » : « Imaginons que surviennent cent millions d’Africains dans notre pays ; on donne aussitôt une carte d’identité à chacun ; la part d’étrangers dans la population française n’aura pas bougé d’un millième de point. C’est ainsi que l’on a agi depuis 3 0ans : aux cent mille étrangers, solde annuel entre les entrants et les sortants, sans tenir compte des irréguliers, ont correspondu autant de naturalisations. On torture de même les chiffres de fécondité des femmes étrangères… »
Pour Robert Debré, médecin, et Alfred Sauvy, les « Israélites d’Europe centrale, industrieux, hantés par le désir de l’ascension sociale (…) forment un groupe uni et voyant qui déchaîne certaines hostilités » (Citation de leur livre « Des Français pour la France », Paris, Gallimard, 1946).
Hugues Lagrange, sociologue, conseille quant à lui qu’« une diaspora arabophone ou asiatique constitue un atout irremplaçable pour notre compétitivité... Les enfants d’origine nord-africaine s’intègrent mieux que ceux originaires de l’Afrique noire. »
Là aussi, nous avons des précédents historiques, témoignant d’une réflexion similaire : « Les immigrés qui ont le plus de chance à s’assimiler sont les Belges. Et il y a des immigrants racialement inassimilables, d’éléments raciaux mongolisés ou negrétisés ou judaïsés... [avec un] risque qu’ils viennent modifier profondément le patrimoine héréditaire de notre patrie. » (Robert Gessain, document sur l’Immigration, INED, collection « Travaux et documents », Paris PUF, 1947).
• Les exemples antisémites sont tirés du livre de Gérard Noiriel : « Immigration, antisémitisme et racisme en France. » Éditions Fayard.
Le 5 février 2007, sur le plateau de TF1, dans l’émission « J’ai une question à vous poser », Nicolas Sarkozy déclara, sûr de lui : « Personne n’est obligé, je le répète, d’habiter en France. Mais quand on habite en France, on respecte ses règles, c’est-àdire qu’on n’est pas polygame, on ne pratique pas l’excision sur ses filles et on n’égorge pas le mouton dans son appartement et on respecte les règles républicaines. » Sans que le journaliste Patrick Poivre d’Arvor ne réagisse, l’interrompe ; le public, quant à lui, l’avait applaudi. Nous connaissons cette stratégie qui consiste à « diviser pour mieux régner » : utiliser les uns contre les autres ; dresser des barrières, des murs ! Nous assistons impuissants à des théories fausses, inventées de toutes pièces : le mythe de la « civilisation judéo-chrétienne », alors que les juifs étaient discriminés et persécutés par les Chrétiens pendant un millier d’années.
II-La chasse aux Roms
En 2010, les médias ont largement contribué à la chasse aux Roms. Par exemple, les journalistes de RTL ainsi que les intervenants dans l’émission « On refait le monde » ont relayé la propagande gouvernementale en distinguant les utopistes des réalistes ; en considérant qu’il y a une idée commune en France sur le problème des Roms ! Alain-Gérard Slama : « Les Roms ont une capacité de s’autofinancer, notamment en se postant à côté des distributeurs de billets. »
Rodolphe Bosselut, avocat au barreau de Paris : « On est confronté à des situations de mendicité en France, et ce n’est pas moi qui le dit, c’est Monsieur Kouchner qui le dit. » « Le lien entre les campements illégaux et la délinquance a été établi par le ministre de l’Intérieur. »
Éric Besson, « Le Parisien » : « Les habitants n’ont pas à subir vol et racket parce qu’il y a un camp à proximité. ». Le 27 août 2012, un militant UMP qualifia, par un message sur Twitter, les Roms de « vermine » et de « personnes au teint crasseux ».
Nicolas Sarkozy avait, fin juillet 2010, déclaré ceci dans son discours de Grenoble : « J’ai demandé au ministre de l’Intérieur de mettre un terme aux implantations sauvages de campements de Roms, ce sont des zones de non-droit qu’on ne peut pas tolérer en France ».
Le dilemme reste cruel pour les « minorités » : adhérer aux idées racistes (la haine de soi) ; ou alors résister, refuser « l’assimilation », « l’intégration » en décrétant que « les Français sont racistes ». Donc il faut « choisir son camp » : (devenir) bourreau ou victime (qui lutte). Les victimes de racisme ont à maintes reprises unis leur force face à leur ennemi : le bourgeois capitaliste.
Même si le principal danger est le repli communautaire. Mais que faire lorsque les victimes de racisme participent à l’exclusion des Roms ? Au lieu d’une solidarité entre bouc émissaire pour réclamer le droit à la vie (scolarisation, droit au logement). Prenons l’exemple du comportement récent de Samia Ghali, sénatrice socialiste et maire des 15e et 16e arrondissements de Marseille.
Fin septembre dernier, elle mit de l’huile sur le feu, alors que certains habitants de Marseille étaient en train de chasser des Roms d’un terrain. Deux habitants ont alors affirmé face caméra qu’ils ont dû faire « un petit nettoyage », « pour faire propre ». Ils n’ont pas été arrêtés par la police. Pire on a dit qu’il s’agissait des protestations de pauvres contre l’inaction de la police. Et que penser des sketches racistes du comte de Bouderballa et de Jamel Debbouze sur les mendiants ? S’effondrer devant la bêtise humaine ? Ici aussi il nous faut parler de racisme. Il nous faut s’opposer à l’arbitraire étatique. Car le Rom est un danger à dominer, à éliminer comme l’ouvrier pour le bourgeois.
Ardo Mako