jeudi 28 avril 2011
En pleine crise sociale, l’échiquier politique se reconfigure, les pièces glissent : l'UMP est en voie de décomposition. Les candidatures fleurissent. Les centristes, gaullistes et autres
radicaux monnayent leur appui. Le PS bégaie son social-libéralisme et frémit à l'approche des primaires (mal ou remède ?). La gauche de la gauche peine à faire valoir la cohérence de son projet.
Le FN est prêt à ramasser les restes, notamment en lançant une OPA sur une frange de la droite qui ne demande que ça.
La droite sarkoziste, en voie de mue vers une droite extrême, n'en finit pas de poursuivre sa fuite en avant raciste, en parole et en actes. Le FN tente une mue symétrique, au risque de buter
contre son passé et ses contradictions. La fuite en avant devient alors, faisant de nécessité vertu, une politique de convergence. Sur la base des prétendues théories sur la « droitisation » de
la France, Sarkozy fait de son piège une stratégie. Face à cela, le PS en tant que parti est suiviste, pétrifié à l'idée que son « angélisme sécuritaire » lui fasse perdre des voix. Ce suivisme
est souvent poussif et honteux (10 000 policiers nous promet le programme de 2012), parfois zélé et confusionniste (Manuel Valls), exceptionnellement conséquent dans la rupture (le transfuge
Besson). Même si les modalités, le calendrier, les perspectives, et même la réussite de cette reconfiguration inédite de la droite française sont encore incertaines, il est urgent de jeter les
bases d'une riposte de masse, pour les mois et années à venir, qui parvienne à convaincre en se plaçant sur le terrain de l’anticapitalisme.
L’engagement dans le combat antiraciste ne saurait être dissocié de cette démarche puisque le pouvoir, qui a choisi de détourner la colère, s’acharne à diviser les travailleurs et tente d’opérer
autour de lui des regroupements incongrus sur des bases identitaires : tout est bon pour s’opposer à la constitution d’un véritable front de classe ! Le 1er Mai, journée des travailleurs, est un
moment fort pour affirmer la nécessité de combattre l'exploitation et les oppressions dont elle se nourrit. Le FN qui, dans une forme de démagogie rouge-brune, célèbre également le 1er Mai, ne
défend pas les travailleurs, pas plus que la République, la laïcité, l'État de droit, voire le féminisme.
Ce nouveau discours de la droite extrême en devenir, par ses flancs sarkozistes et lepénistes convergents, est rendu possible par la mutation du racisme, passé du biologique au culturel. Ce
discours s'ordonne le long d'une chaîne idéologique inédite dans son ensemble, même si ses parties ont pu opérer par le passé. Comment nous apparaît-elle ? Son maillon le plus clinquant, son
talisman, est l'islam.
En aval, on attaque aujourd'hui les Arabes, et finalement tous les quartiers populaires, via la question de l'islam. C'est l'islamophobie. En amont, l'islam est attaqué par le prisme de la
laïcité, elle-même devenue pierre de touche de toute la République. Cette chaîne idéologique, qui part de la République pour finalement stigmatiser la portion la plus précaire du prolétariat et
exclure toute unité de celui-ci, doit être comprise et combattue sur toute sa longueur, donc dans sa réalité de classe et son rapport à la crise.
Premièrement, on ne peut invoquer et défendre la République au non de l'antiracisme, sauf à nier l'histoire d'une République bourgeoise au passé colonial. D'autre part, si invoquer la République
dans le combat contre l’extrême droite a pu avoir un sens lorsque celle-ci était encore réellement contre-révolutionnaire, quand elle s’en prenait encore à celle qu’elle appelait la Gueuse, c’est
aujourd’hui un parfait anachronisme.
Deuxièmement, on ne peut pas accepter la réduction de la République à la laïcité, dont nous défendons une version bien précise qui n'a pas besoin de la République. On ne peut pas non plus laisser
le champ libre à une laïcité à géométrie variable qui masque l'islamophobie.
Troisièmement, on ne peut pas nier l'islamophobie comme racisme anti-arabes.
Quatrièmement, on ne peut pas refuser la vérité de classe de ce racisme anti-arabes, et le déconnecter d'une attaque contre les quartiers en général, les sans-papiers et les migrants, qui permet
d'entretenir la division au sein du salariat.
Les peuples des pays arabes démontrent que cette « civilisation islamique » condamnée à l'arriération économique et politique n'est qu'un mirage orchestré par l'idéologie du choc des
civilisations. Leurs révolutions sont un antidote contre l'islamophobie. Les militants anticapitalistes doivent être présents en nombre dans toutes les mobilisations antiracistes, que ce soit au
côté des sans-papiers, des migrants de tous pays et toutes religions, et des habitants précarisés des quartiers populaires.
Commission migrations-antiracisme