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19 avril 2010 1 19 /04 /avril /2010 08:26


Jean-Michel Krivine *


La liste des 27 otages fusillés de Châteaubriand

La liste des 27 otages fusillés de Châteaubriand

Qui étaient les hitléro-trotskistes ? Il s’agit là d’une appellation qui ne dit probablement rien à beaucoup de lecteurs d’Inprecor, car il fallait être en âge de militer dans les années 1940 et 1950 pour avoir l’occasion de s’y heurter. Elle fut utilisée à cette époque par le Parti Communiste Français pour dénoncer les membres de la IVe Internationale. Sa naissance se fit à la Libération et sa disparition progressive après la mort de Staline, le « Petit Père des peuples » (1953), et surtout après le XXe Congrès du Parti communiste d’Union soviétique (PCUS), 1956.


Certains journalistes situent son début dans les années 1930 mais je pense qu’ils sont mal informés. Ancien militant du PCF (de 1949 à 1970), j’ai conservé beaucoup de littérature stalinienne. Je n’y ai pas retrouvé l’aimable expression dans d’anciens textes où elle eût mérité de siéger. L’exemple le plus convaincant, à mes yeux, est celui des trois Procès de Moscou (1936, 1937, 1938). Je possède les volumineux compte-rendus sténographiques des deux derniers (Piatakov, Radek, puis Boukharine, Rykov), édités à l’époque en français et à Moscou.


Si les mots « Trotski » et « trotskistes » se retrouvent dans de très nombreuses pages où ils sont martyrisés, le terme « hitléro-trotskiste » n’y figure jamais.


Un autre exemple. Prenons l’Histoire du Parti communiste (bolchevik) de l’URSS , rédigée par une « commission du comité central du PC (b) de l’URSS » (en fait, dit-on, par Staline) et publié en 1938. On y insulte copieusement les « trotskistes » mais pas les « hitléro-trotskistes ». Pas une seule fois.


Les fac-similés de La Vérité (1940-1944), journal trotskyste clandestin sous l’occupation nazie , ne mentionnent jamais l’appellation. C’est la même chose dans la brochure éditée en août 1945 par le Parti Communiste Internationaliste La lutte des trotskystes sous la terreur nazie : vers la fin, on y dit que la bureaucratie stalinienne « ment maintenant en nous traitant, de concert avec la bourgeoisie , d’“hitlériens”, de “diviseurs”, de “saboteurs”, de “provocateurs” », mais pas d’hitléro-trotskystes… Un chapitre s’appelle d’ailleurs « Nous sommes des “hitlériens”, des agents de la Gestapo ».


Il paraît vraisemblable que l’idée d’hitléro-trotskiser la IVe Internationale leur soit venue lorsqu’ils se sont fait traiter par la presse d’« hitléro-staliniens » après la signature du pacte germano-soviétique le 23 août 1939, rompu par les nazis au bout de presque deux années. Beaucoup de communistes ont eu du mal à s’en remettre.


La Vérité fut donc le premier organe clandestin résistant, sorti le 1er août 1940, alors que des cadres du PC (il ne s’appelait pas encore PCF…), sur ordre de Moscou, demandaient aux Allemands de pouvoir faire reparaître l’Humanité qui avait été interdite par Daladier en août 1939, juste après la signature du Pacte. Les Allemands étaient plutôt pour, mais Vichy bloqua le projet.


Après la Libération La Vérité n’obtint le droit de paraître qu’avec le numéro du 30 mars 1946. Ce qui retarda sa sortie légale et déchaîna la fureur du PCF c’est que l’organisation trotskiste avait refusé dès 1940 de se ranger sous la bannière anglo-américaine, derrière le général réactionnaire De Gaulle. Elle appelait certes à lutter contre le fascisme mais en demandant aux travailleurs de se préparer à prendre le pouvoir à l’issue de la guerre.

 

Par ailleurs elle se refusait à appliquer les mots d’ordre du PCF du genre « À chacun son Boche ! ». D’accord pour exécuter les SS, les officiers nazis, les types de la Gestapo mais pas les travailleurs sous uniforme. Plusieurs séries de tracts et de journaux en allemand furent publiés et distribués dans les casernes à des milliers d’exemplaires et une cinquantaine de soldats allemands (surtout en Bretagne) s’organisèrent, dont un certain nombre seront fusillés. L’action des trotskistes en direction des Allemands n’avait donc pas du tout la même orientation que celle du PCF avant l’entrée en guerre de l’URSS… ni même après…


Il est d’ailleurs intéressant de constater que lorsqu’il aurait dû parler de l’action résistante des trotskistes arrêtés en même temps que des communistes, ce fut le silence le plus complet : le 22 octobre 1941, 27 résistants étaient fusillés au camp de Châteaubriand. Parmi, eux il y avait 25 communistes et 2 trotskistes, Marc Bourhis et Pierre Gueguen, mis « en quarantaine » par les staliniens. Qu’en a dit le PCF  par la suite ? Jusqu’à la déstalinisation ce fut le silence le plus complet : en 1950 Marcel Cachin affirme encore que furent fusillés « 27 des nôtres », dont il donne la liste complète incluant Gueguen et Bourhis. Dans le manuel édité par le parti en 1964, Histoire du PCF, apparaît un discret changement : la liste des gens à exécuter aurait été modifiée par le ministre de l’Intérieur, Pucheu,  afin qu’elle comprenne presque exclusivement des communistes . « Presque exclusivement » et ne sont cités que six noms !


Une dernière note, personnelle : comme je l’ai signalé dans Inprecor, j’avais été « trotskisé » en 1946 (à 14 ans) avec mon adhésion aux Jeunesses Socialistes. Après que la direction du PS les eût dissous pour gauchisme, j’entrais au PCF en 1949, pour la « défense inconditionnelle de l’URSS » et… devins un bon militant stalinien, jusqu’à ce qu’un trotskiste, qui faisait de « l’entrisme » dans ma cellule de la Fac de médecine, finisse par me convaincre de reprendre mes positions de jeunesse. Je rejoignis la IVe Internationale en 1956 mais restai au PCF jusqu’en 1970. J’ai donc fait partie de cette assez rare catégorie des… « stalino-trotskistes » ! ■


* Jean-Michel Krivine, chirurgien retraité, est membre de la rédaction d’Inprecor. Il a successivement (et même simultanément) milité dans les Jeunesses socialistes (de 1946 jusqu’à leur dissolution par Jules Moch en 1947), le Rassemblement démocratique révolutionnaire (1948), le PCF (1948-1970) et la IVe Internationale (depuis 1956).


Bibliographie

► Michel Lequenne, Le trotskisme — Une histoire sans fard, Ed. Syllepse, Paris 2005.

► Yvan Craipeau, La Libération confisquée, Savelli/Syros, Paris 1978.

► Fac simile de La Vérité (clandestine - 1940 / 1944) et de Arbeiter und soldat, EDI, Paris 1978.

Les Congrès de la IVe Internationale, Tome 2 : L'Internationale dans la guerre (1940-1946), La Brèche, Paris 1981.

La lutte des trotskystes sous la terreur nazie, brochure éditée par le PCI août 1945.

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