La fête de L'Humanité, les 10, 11 et 12 septembre à La Courneuve, a connu son habituel succès. Force est de le reconnaître, même pour ceux qui parlent
régulièrement de son agonie : le PCF conserve encore une audience populaire, bien au-delà de son audience électorale qui, depuis 1981, s'est effritée au fil des ans.
Ce qui a été marquant sur le plan politique, c'est que le PCF est apparu comme s'effaçant derrière Jean-Luc Mélenchon. Ce dernier, incontestable vedette des médias
durant ce rassemblement, est apparu de plus en plus comme le probable candidat du Front de gauche, nom que s'est donné l'alliance nouée entre le PCF, la Gauche unitaire de l'ex-dirigeant de la
LCR Christian Piquet et surtout le Parti de Gauche de Mélenchon.
Certes la direction du PCF a, fort discrètement, évoqué l'hypothèse que l'un des siens, le député PCF du Puy-de-Dôme Chassaigne, se mette sur les rangs en 2012.
Mais cela ressemble à un leurre, destiné à calmer les impatiences de ceux qui s'inquiètent de l'effacement prolongé de leur parti devant le Parti de Gauche et son dirigeant.
Pour sa part Mélenchon a trouvé plus habile de mettre une sourdine à ses ambitions durant ces trois jours. Il a même insisté, dans ses multiples interventions, sur
le fait que la question de la présidentielle n'était pas à l'ordre du jour, que l'heure n'était pas à la chicane et aux discussions sur les virgules, qu'il fallait même préparer la « révolution »
qu'il veut « citoyenne ». Mais ces dénégations, aussi tonitruantes soient-elles, ne sont guère convaincantes.
D'autant qu'on a beaucoup parlé de révolution durant cette fête, ce qui montre que pour beaucoup ce terme n'est qu'une façon de parler, sans grande signification.
Pierre Laurent a même évoqué une « révolution sociale » au cours de la table ronde destinée à ouvrir un débat devant aboutir à l'élaboration d'un « programme partagé », nom que devrait prendre le
programme commun aux trois composantes du Front de gauche. Façon de mettre en évidence que ce Front n'a pas encore de programme, puisque sa gestation, fruit d'un débat citoyen, ne fait que
commencer.
Le même Pierre Laurent s'est empressé, le lendemain, dans le discours principal de cette fête, de préciser les limites qu'il fixait à sa radicalisation verbale.
Dénonçant à juste titre la guerre que mène le gouvernement, au nom du patronat, contre les classes populaires, il appelle à y répondre par « une guerre », une guerre « citoyenne... et pacifique
».
Faut-il comprendre que, face à l'offensive brutale et sans pitié contre le monde du travail, il faudrait rester calme, serein, dans le cadre d'une loi faite pour
les possédants, en acceptant le rythme des échéances électorales, en un mot attendre le verdict de 2012 ? On a tout lieu de le penser. C'est une autre façon de rejoindre Jean-Luc Mélenchon qui,
lui, parle de la « révolution dans les urnes », ce qui peut se traduire par la révolution « par les urnes ».
Certes les dirigeants du PCF parlent de renforcer et d'élargir la mobilisation en cours contre la réforme des retraites. Mais à mots couverts (pour l'instant) ils
inscrivent cette échéance dans la perspective de 2012.
C'est s'engager dans une impasse, et même pire, dans un piège. Pour le PCF d'abord, qui risque de s'autoliquider un peu plus encore, mettant son influence et son
poids militant au service des ambitions de Mélenchon, dont rien n'a montré, ni dans son passé ni dans ses positions actuelles, qu'il incarne les intérêts des classes populaires. Mais, bien plus
lourd de conséquences, cela risque de dévoyer la combativité du monde du travail vers la perspective d'un illusoire changement électoral.
Or, qu'un Strauss-Kahn ou une Martine Aubry remplace Sarkozy dans dix-huit mois, cela ne changera rien d'essentiel pour les classes populaires. Il n'est qu'à voir,
par exemple, les positions des dirigeants socialistes sur la réforme des retraites. Aucun d'entre eux ne s'engage à maintenir cette retraite à taux plein à 60 ans et, à plus forte raison, à
revenir sur les autres « réformes » des retraites, depuis celle de Balladur de 1993.
La perspective électorale choisie par la direction du PCF le conduit, dans un premier temps, à se mettre à la remorque de Mélenchon, ce qui le mettra ensuite
obligatoirement à la traîne du PS. Si c'est cela la « guerre pacifique » que préconise Pierre Laurent, elle est perdue d'avance pour les travailleurs.
Jean-Pierre VIAL
Note:
Belle analyse anti Mélenchoniste, mais il y a un bémol!
En quoi le PCF a-t-il besoin de Mélenchon pour le "forcer" à se mettre à la traîne du PS? Toutes les gesticulations "révolutionnaires" du PCF sont des "promesses qui n'engagent que ceux qui y croient", face à une nécessité absolue: sauver l'appareil et ses miliers de permanents qui s'opposent à toute rupture avec le PS, car c'est grâce à lui qu'ils échappent à Pôle Emploi. Voilà du concret!
Seule l'alliance avec le PS permet au PCF de continuer d'exister, d'avoir des élus (choisis par qui?) et de payer des permanents qui luttent pour ne pas retourner "à la production". Ce faisant, le PS détourne un partie des postes (élus, assos, mutuelles) sur lesquels lorgnent ses propres jeunes "loups" qui voient d'un mauvais oeil ces "largesses" à des "has been", "ringards".
La seule question, dans toute la démarche est: jusqu'à quand le PS va-t-il accepter de continuer à frustrer des gens qui militent parfois depuis 20 ans au PS pour la récompense d'une place de notable et qui voient ces places "détournées" au profit de vieux "staliniens" qui ne se feraient pas élire en leur nom propre.