Les éditions Dialogues.fr sont assignées en référé demain par le laboratoire Servier au sujet du livre "Mediator, Combien de morts", écrit par une pneumologue brestoise.
"Combien de morts?", c'est la question que le laboratoire Servier voudrait voir effacer de la couverture du livre d'Irène Frachon, un médecin brestois, sur le Mediator aux éditions Dialogues.fr. Ce médicament coupe-faim a été interdit le 30 novembre dernier par l'Afssaps (*) à la suite d'une étude réalisée par une équipe de médecins du CHRU de Brest.
Ce même laboratoire avait vu en septembre1997 l'interdiction de son Isoméride, un autre médicament coupe-faim largement prescrit. Le Mediator, pourtant également
dérivé d'amphétamines, était resté en vente avec des indications réduites aux diabétiques en surpoids. Dans son livre, qui sera en librairie le 3 juin, le DrIrène Frachon explique comment le lien
entre la prise de Mediator et des atteintes des valves cardiaques a pu être établi.
Jeune maison d'édition
"La ficelle est grosse. Dans son assignation, Servier dit trouver légitime que l'auteur jouisse d'une large liberté d'expression. Mais le laboratoire demande la suppression d'une mention sur la
couverture. Cela revient à son interdiction", réagit Charles Kermarec, patron des librairies Dialogues et depuis peu éditeur. Servier estime que la mention "Combien de morts?", en caractère gras,
constitue "un dommage imminent".
Le laboratoire voudrait que le tribunal de Brest ordonne la suppression de la mention sous peine d'une astreinte de 500 € par jour de retard ou, à défaut,
l'apposition d'un bandeau. Une action qui vise une toute jeune maison d'édition qui se passerait bien de ces frais de procédure. «C'est une histoire de santé publique et de patients qui
souffrent. Le laboratoire Servier s'attaque à un petit éditeur, c'est une façon de tenter de nous faire taire sur ce scandale», ajoute Charles Kermarec.
Tiré à 5.500 exemplaires
Le livre a été tiré à 5.500 exemplaires pour l'instant. "Mais je vais le faire réimprimer tout de suite et alerter mes collègues libraires, leur demandant d'être vigilants pour ne pas être en
rupture de stock. Il n'y a pas de dommage imminent puisque le médicament est déjà retiré de la vente. Et la question du nombre de morts est d'autant plus légitime qu'on sait qu'il y en a
eu".
Le Dr Irène Frachon n'est pas visée par l'assignation, mais elle confirme: "La question soulevée du nombre de morts est très importante et elle fait peur au
laboratoire Servier". Une crainte aussi, sans doute, de voir se multiplier les recours judiciaires des patients qui ont pris du Mediator. Une première patiente, traitée pendant sept ans et
atteinte d'une valvulopathie, vient de déposer plainte début mai.
* Agence française de sécurité sanitaire et des produits de santé.