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14 février 2013
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Exposés à l'amiante pendant des années, cinquante-sept ouvriers de l'usine de chaudières Chaffoteaux réclament, chacun, 27.000 € de préjudice à leur ancien employeur. Le jugement sera rendu en juin. Des dizaines d'autres dossiers vont suivre.
Conseil de Prud'hommes de Saint-Brieuc, hier matin. Dans la salle
d'audience archi-pleine, ils sont plus de 50 ex-salariés de Chaffoteaux. Certains partis à la retraite depuis près de vingt ans. D'autres licenciés économiques,
en 2009, au moment de la fermeture du site. Tous réclament la même chose : le règlement de leur « préjudice d'anxiété » et de leur « préjudice de bouleversement des
conditions d'existence ». Soit 27.000 €. La raison : l'exposition à l'amiante pendant leurs années de travail chez le fabricant de chaudières.
Poussières extrêmement volatiles
« Aujourd'hui, la maladie ne s'est pas déclenchée chez ces personnes. Mais ils présentent les symptômes de ceux qui ont été exposés à l'amiante : trouble du sommeil, bronchites chroniques, essoufflement, rhumes à répétition... », plaide Florence Richefoux. « Ils ont conscience d'avoir quelque chose en eux. Le
sentiment qu'ils seront peut-être malades demain », martèle l'avocate. D'après elle, pas de doute, les ouvriers ont été « contaminés » par les poussières d'amiante, « extrêmement volatiles », présentes dans les ateliers de brasage, de tôlerie, d'outillage et de montage jusqu'en 1996. « C'était le royaume de la soufflette dans
cette usine.
En plus de nombreux salariés mangeaient le matin et le soir sur leur poste de travail », relate l'avocate. Défenseur du groupe italien Ariston Thermo Group
(ATG), propriétaire de Chaffoteaux, Me Herpin ne partage pas du tout le même diagnostic. « La moyenne d'âge des demandeurs
présents aujourd'hui dans la salle est de 60 ans. Ils ne peuvent pas avoir le même état de santé qu'à 20 ans. Alors quand on me parle de trouble du sommeil ou d'essoufflement... ». L'avocate
poursuit, devant une salle scandalisée : « Certains, parmi eux, exercent encore une activité professionnelle ou sportive. Ce ne sont pas vraiment des symptômes de victimes de l'amiante ».
Du grillage comme cloison
Pour la représentante de Chaffoteaux, tous les plaignants n'ont pas été exposés aux poussières. « Il n'y en avait que dans l'atelier
brasage ; atelier qui était coupé des autres postes de travail par des cloisons », soutient Me Herpin, provoquant de nouvelles réactions dans la salle. « C'était du grillage ces cloisons »,
s'offusque une ancienne ouvrière. « Six personnes (*), soit 0,3 % de la population de l'usine, ont déclaré une maladie liée à l'amiante. On ne peut pas parler,
comme la partie adverse, de contamination », conclut, imperturbable, l'avocate, pour qui les ouvriers n'ont pas « apporté la preuve » de leurs préjudices. C'est désormais aux juges de trancher.
Leur jugement est attendu le 26 juin prochain. D'ici là, des dizaines d'autres dossiers Chaffoteaux devraient être examinés par la juridiction briochine.
* D'après l'avocate des ouvriers, au moins 15 anciens salariés sont aujourd'hui malades de l'amiante.
- Julien Vaillant