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23 juillet 2012 1 23 /07 /juillet /2012 13:47

 

Entretien avec Eric Premel, directeur du festival de Douarnemez dont la 35e édition se tiendra du 17 au 25 août.


Le thème cette année est les communautés autonomes d'Espagne. Peux-tu nous en présenter les grandes lignes ?


De 1932 à 2012, nous allons opérer une traversée des trois communautés historiques par un choix raisonné et forcément subjectif de quelques œuvres documentaires ou fictions qui sont soit en capacité d'interroger la mémoire « historique », l'amnésie, les silences, d'en rendre compte, d'en lire des bribes, sauvages, âpres, soit qui donnent à sentir des failles, des situations sociales, humaines, contemporaines, soit qui nous apparaissent comme révélateur d'écritures cinématographiques dont nous avons aimé les univers, et qui nous semblent être singulières et spécifiques.

 

Ces trois communautés seront lues aussi avec quelques œuvres qui évoquent l'Andalousie, et quelques autres « sans appartenances culturelles et politiques », qui portent des regards d'ailleurs et traversent les époques et l'histoire.


Les regards du dedans et les regards du dehors se croiseront librement, pour suggérer le plus grand nombre de lectures possibles, des points de vue sur des peuples, des communautés, des enjeux, des humanités blessées, rageuses ou révoltées, des villes, des ruralités, des langues aussi.

 

Commencer par Las Hurdes, tierra sin pan de Luis Buñuel et finir par le Mercado de futuros de Mercedes Álvarez, qui était la monteuse du très beau En Construccion, de José Luis Guerin, c'est tirer une ligne imaginaire visionnaire qui permettra de découvrir les fictions réalisées en 36-38 par la CNT, le Casas Viejas de Martin Patino, le Durruti, anarchiste de Comolli, le Yoyes d'Helena Taberna, ou le somptueux Poligono Sur de Dominique Abel, sur les gitans de Séville.


Passer du dernier Bénito Zambrano andalou (La voz dormida) à Roberto Caston (Ander), galicien qui tourne au Pays basque et vit à Barcelone, puis faire entendre les chômeurs désespérés et dignes de Los Lunes al Sol, de Fernando Léon de Aranoa, tourné à Vigo, au côté des Fagor et les Brandt, d'Anne Argousse et Hugues Peyret, c'est au final s'octroyer la diversité des formes et des genres sans ne jamais quitter les destinées humaines.


Il faut savoir que jusqu'à la fin des années quatre-vingt il n'existait quasiment pas de « cinéma documentaire » en Espagne.

 

Puis, les Masters de l' Université Pompeu Fabra et l'Université Autonomme de Barcelona, ont ouvert des brèches pour inventer un cinéma documentaire très spécifique, soutenu par les télévisions des trois communautés. Margarita Léda, galicienne, qui présentera deux documentaires « de mémoire » (Santa Libertade et Liste, prononcer Lister), évoquait dans une rencontre professionnelle le cas espagnol, toujours en rapport avec le sentiment de perte et d'effacement, de disparition : « nous avions perdu la génération républicaine de cinéastes, la génération fondatrice qui part pour l'exil; nous avons perdu la guerre, la mémoire, l'histoire, la capacité d'expression ».


Derrière la Movida, il existe un cinéma puissant, onirique, sensuel, et un désir qui emprunte autant à l'autodérision et l'ironie qu'à la gravité et l'auscultation des âmes, avec la mémoire, douloureuse, tapie dans les replis de l'Histoire.


La crise est passée par là, en témoigne la chute vertigineuse du nombre de productions en 2012. Aujourd'hui, l'Espagne fait la Une au chapitre 'dette' plutôt qu'au chapitre 'Autonomie'; les invités pensent-ils l'autonomie comme une réponse à la crise ?


Nous verrons avec eux ce qu'il en est. Les derniers événements du Pays basque (le processus de paix est toujours une réalité, qui le porte ?) ces jours-ci, qui concernent les prisonniers basques éparpillés dans les geôles françaises et espagnoles, font dire que la crise est loin d'occulter les réalités de chaque communauté.


Ce que viendront exposer Gabriel Mouesca (dix-sept années en détention, dont onze en Maison d'arrêt), pour le Pays basque, qui a présidé l'Observatoire international des prisons, Xosé Manuel Beiras, l'un des fondateurs et leader du Bloque Nacionalista Galego (BNG), en pleine révolution depuis quelques mois, ou encore David Casassas, professeur à l'Université autonome de Barcelone, militant et théoricien de l'allocation universelle (en période de crise, en faire une clef émancipatrice pour universaliser l'accès aux conditions matérielles de la liberté). Plusieurs débats et rencontres traiteront de ces sujets : crises, ripostes, Communautés Autonomes...

Douarnenez, Festival des Indignés ?


Je dirais plutôt Festival des peuples et des communautés humaines, des luttes, des controverses, des initiatives, des mémoires réappropriées, des cultures (la question de la langue par exemple, qui concerne aussi la Bretagne, que nous débattrons avec les amis catalans, basques et galiciens, dont Manuel Rivas entre autre), des initiatives (avec Juan Manuel Sánchez Gordillo, maire de Marinaleda, en Andalousie, qui fonctionne en démocratie participative de sorte que tous les aspects de la vie sociale, politique et économique de la commune y sont discutés et mis en œuvre collectivement par les citoyens, ou avec le film Squat, la ville est à nous, de Christophe Coello, sur Barcelone).


Douarnemez 2012, grande tribu, programmation jeunes publics, ... Des points forts ou des innovations à signaler ?

 

Deux choses majeures :


1/ La continuité du travail réalisé avec les sourds, avec ampleur cette année, puisque quasiment tout le festival sera en accessibilité pour une population spoliée des droits que nous sommes tous censés avoir à l'identique. Pauvre, exclue, méprisée, classée handicapée, dont on dénie la culture, la population sourde trouve ici le terrain de son expression, en partageant ses revendications avec les publics issus de partout. Films, débats, rencontres, cafés-signes, signalétiques...


2/ Une nouveauté : l'accueil de la communauté LGBTQI et des réseaux des personnes lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres, intersexués ainsi que le mouvement queer. Ces réseaux, organisés en de nombreuses associations, rendent aujourd'hui, de plus en plus, les revendications, les luttes, les expressions, les cultures de ces identités et communautés.


Les revendications portées par les militantEs LGBTQI s'inscrivent, pour le festival, dans les mouvements sociaux et politiques contre les discriminations, les racismes, les communautarismes, la fixité identitaire, les essentialismes et les prétentions totalisantes. Il y aura cette année ensemble de films, de débats, d'expositions, qui donneront à entendre les LGBTQI. Que les notions de masculinité et de féminité, en tant que catégories immuables, cèdent de plus en plus la place à des identités fluctuantes, n'est pas sans rencontrer ce que ce que nous avons appris à apprendre !


Mais aussi :


Une librairie éphémère géniale. Un salon d'Images (d'Hélène Hazera aux vidéastes bretons d'aujourd'hui, d'œuvres expérimentales catalanes et basques à des films expérimentaux inédits). Un concert final avec Julian Demoraga (El Ultimo Grito), chanteur andalou électro, qui entre messe noire et païenne, renoue avec cette très ancienne tradition des artistes poètes mages et fous. Quatre expositions, dont une sur l'artiste andalou-catalan Helios Gomez, emprisonné dans la prison de Barcelone, sur les murs de laquelle il s'est mis à peindre des fresques extraordinaires.

Cela va être la deuxième édition dont tu es responsable, des impressions ?


Le festival demeure fragile, après 35 ans d'existence, fragile économiquement, parce que largement et indécemment sous-financé par les fonds publics.


Il continue d'être porté, cependant, par une énergie humaine fascinante, inventive, jubilatoire et puissante.

Mais surtout, il mobilise. Il excite aussi. Et enfin, à chaque fois, comme cette année avec l'Espagne, il est au carrefour des tensions de la planète, des révoltes et des prises de paroles fondamentales.


Le fait qu'il place l'art (le 7e ici, bien que croisé avec les arts plastiques, la littérature et la musique) au centre du politique, du social, de l'histoire, de l'humain, de la cité, des peuples, c'est certain, ne facilite pas sa médiatisation, tant il est vrai que la quasi-totalité des événements culturels et artistiques actuels parlent de l'art (la création, les formes, les esthétiques) au prisme soit du divertissement, soit de la consommation (y compris l'érudite), soit du narcissisme individuel (et collectif, ça existe !), soit d'une posture tristement bien pensante, toujours jacobine (oh combien) et bourgeoise où l'on préfère exclure la pensée et la réflexion politique du réel dont parle l'art et de l'expérience que l'on en fait.


Mon avis : Douarnenez est une expérience. Celle de l'art et celle de ce que l'art raconte et dévoile, questionne et dénonce. Si non, à quoi bon ?

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