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11 mars 2013
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Quarante ans de recherches historiques collectives, une aventure humaine hors du commun : pour leur anniversaire, les éditions Skol Vreizh se posent en véritable école historique et livrent, en ce début d'année, « Toute l'histoire de la Bretagne ».
La première édition de ce livre remonte au milieu des années 90, l'histoire de la région étant traitée depuis ses origines jusqu'à la fin du XXe siècle. Cette nouvelle édition s'enrichit des dernières recherches, jusqu'à 2012, et d'une abondante iconographie.
Tout a débuté fin 1972.
Dans l'après 1968, une période d'éveil breton, marquée par les premiers succès du jeune musicien Alan Stivell, « nous avons constitué un groupe d'enseignants avec la
volonté de créer des outils pédagogiques qui faisaient défaut pour enseigner l'histoire de Bretagne », explique Jean-Jacques Monnier, l'un des coordonnateurs de l'ouvrage et pilier, dès ses
débuts, de cette maison d'édition associative. Les premières recherches sont publiées par tomes successifs, couvrant les différentes périodes historiques. Au fil des années, un vrai succès
éditorial : 160.000 exemplaires au total. « Nous avons toujours travaillé avec rigueur, de manière collective et contradictoire, le travail de chacun étant revu et discuté par le groupe »,
composé d'enseignants et d'universitaires, souligne M. Monnier. Avec un même état d'esprit conservé pendant toutes ces années : « Bénévolat, compétences, passion de la vulgarisation, volonté
d'être compréhensible et clair ».
« Une sorte d'école historique bretonne »
« Rétrospectivement, et sans l'avoir décidé, nous avons créé une sorte d'école historique bretonne, reconnue, avec un souci pédagogique permanent : se mettre à la
portée des gens », constate l'historien. « À 20 ou 25, on parvient à une richesse plus grande, avec l'effet démultiplicateur du collectif ». Une telle collaboration, sur la durée, serait-elle
encore possible aujourd'hui ? « Ce n'est pas certain », regrette Jean-Jacques Monnier. D'abord, « parce que s'effacer à ce point derrière le collectif, je ne suis pas sûr que l'époque le permette
». Ensuite, « tout simplement, parce que l'université oblige plus qu'avant les chercheurs à produire pour leur carrière. Les directeurs de thèse incitent à prendre des sujets plus larges, des
thèmes plus généraux », constate l'historien. « Aujourd'hui, mener des recherches sur la Bretagne peut même nuire », considère Jean-Jacques Monnier, affirmant avoir observé, dans l'Éducation
nationale, un « raidissement jacobin » depuis une vingtaine d'années.
Certes, la relève est assurée, mais « pas avec le bouillonnement de cette époque ». « Des enseignants du secondaire en fin de carrière nous rejoignent, par exemple.
Ils s'inscrivent pour une thèse et sont dégagés de ces contraintes subies par les plus jeunes. Ils ont davantage de liberté de recherche », observe-t-il. « Le repli, ce ne sont pas ceux qui
essaient de creuser les sillons de l'histoire régionale, ce sont ceux qui n'en veulent pas », commente l'historien.
Un catalogue riche et varié
Après des turbulences où chacun a dû mettre la main à la poche pour assurer la continuité de ce projet éditorial, Skol Vreizh - « L'école de Bretagne »-, a depuis, grâce au succès de cette « histoire » ou encore des « Bretonnismes » - plus de 200.000
exemplaires vendus -, développé un catalogue riche et varié en breton et en français. Mais l'histoire et sa transmission restent l'enjeu majeur pour Skol Vreizh : selon un récent sondage, seuls 31 % des Bretons savent que leur terre a été indépendante pendant 900 ans jusqu'à son rattachement
à la France, en 1532.
Pratique « Toute l'histoire de Bretagne », éditions Skol Vreizh, 865 pages, 39 €.
- Clarisse Lucas