Après avoir tracté tout l’été, les centrales ont appelé hier à une mobilisation de grande ampleur, le 7 septembre, contre le projet de réforme.
Jamais la rentrée sociale n’aura débuté aussi tôt. Réunis hier après-midi, les syndicats ont confirmé leur appel à la mobilisation du 7 septembre contre la réforme des retraites, jour de l’ouverture du débat parlementaire sur le projet du gouvernement.
«Les organisations syndicales considèrent aujourd’hui que rien n’est joué et appellent tous les salariés du privé et du public, les demandeurs d’emploi, les jeunes et les retraités à poursuivre la construction d’une mobilisation de grande ampleur», ont ainsi déclaré sept des huit organisations de salariés, à l’issue de la réunion organisée au siège de la Fédération syndicale unitaire.
Seul Force ouvrière, qui demande le retrait complet du texte, n’a pas signé la déclaration finale, tout en se joignant à la mobilisation. Et revient, de fait, dans l’intersyndicale après plusieurs mois d’absence. «Nous nous étions retirés car nous ne sentions pas de volonté réelle d’en découdre, explique Bernard Devy, de FO. Maintenant que nous sommes au pied du mur, nous ne voulons pas diviser la classe ouvrière.»
Encouragés par les remontées de la base et par le maintien de l’action militante durant la période estivale, les syndicats se risquent même à un pronostic optimiste : «Nous avons maintenu la pression tout l’été, je pense que ça va payer», glisse Eric Aubin, le «monsieur Retraites» de la CGT. «Beaucoup de salariés nous ont appelés pour se renseigner, et les premiers pointages des unions départementales sont assez encourageants.»
Avions
L’organisation de Bernard Thibault s’est aussi beaucoup dépensée pour que la journée du 7 septembre soit une réussite : tractages aux péages d’autoroutes, sur le Tour de France, les côtes touristiques et lors des festivals.«Il fallait absolument préparer la mobilisation dès cet été», reconnaît Eric Aubin.
CGT et FSU ont même loué des avions à banderole sur les plages du Var et des Landes pour appeler à la manif. La CFDT, elle, s’est délestée de 60 000 tracts sur les retraites (en plus des 250 000 consacrés à sa traditionnelle campagne sur les saisonniers) et a commencé à démarcher députés et sénateurs. Un travail de lobbying qu’elle devrait accentuer d’ici l’ouverture du débat parlementaire.
Bref, les syndicats n’ont rien lâché pendant l’été, conscients que tout allait se jouer début septembre. «Beaucoup de gens ont également découvert pendant leurs vacances les conséquences du projet de loi sur leur propre situation, estime Bernard Devy, de FO. Cette prise de conscience devrait gonfler les rangs des manifs.»
Sans parler des fonctionnaires, qui ont eu vendredi confirmation de la part du chef de l’Etat, et en direct de son lieu de villégiature, que leur rémunération de base (le point d’indice), serait gelée en 2011… Dans plusieurs grandes entreprises aussi, les syndicats ont déjà annoncé leur participation à cette journée, comme à la RATP ou à la SNCF. Avec blocage des transports à la clef.
Les syndicats devraient être aussi appuyés par les partis politiques : du NPA au PS, on s’agite autour d’un dossier aussi emblématique pour la gauche que potentiellement risqué pour la majorité. Fragiliser le gouvernement sur la dernière grosse réforme du quinquennat est une occasion qui, par définition, ne se représentera pas deux fois. C’est dire si toute la famille de gauche devrait se retrouver dans la rue.
Crescendo
L’enjeu d’une mobilisation réussie le 7 septembre est d’autant plus important que les confédérations partent de haut. Les deux dernières manifestations, les 27 mai et 24 juin, avaient connu une participation crescendo, la dernière rassemblant entre 1 et 2 millions de salariés. Difficile, dès lors, de faire moins bien. Mais, si la mobilisation est réussie, reste à savoir pour quels débouchés ? Déjà ficelé par le gouvernement, le projet de loi ne pourra désormais être modifié que lors du débat parlementaire, qui s’ouvre le 7 septembre.
De son côté, le ministre du Travail, Eric Woerth, a bien laissé entendre que des efforts pourraient être faits sur la pénibilité, les carrières longues et les polypensionnés, sous forme d’amendements gouvernementaux. Mais rien sur le point dur du projet : le report de 60 à 62 ans de l’âge légal, dont les syndicats font un casus belli.
Impossible pour le gouvernement, dans ces conditions, de fissurer le front syndical, et notamment l’unité CFDT-CGT, en lâchant quelques contreparties secondaires. François Chérèque comme Bernard Thibault le savent : aucune de leur organisation ne se relèverait d’un soutien à cette réforme.
En cas de succès, c’est donc vers un affrontement dur que s’orientent syndicats et gouvernement. Avec cette fois-ci un autre problème, en cas de fort tangage : la fragilisation du capitaine. Si, dans son entourage, on assure qu’Eric Woerth «est en pleine forme», prêt «à affronter le débat parlementaire», on s’inquiète, côté syndical, d’un ministre «qui a la tête ailleurs». On a souvent prédit - à tort - une rentrée chaude. Celle-ci pourrait être brûlante.