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29 juillet 2010 4 29 /07 /juillet /2010 10:07

 

29 juillet 2010 Le Télégramme


Avril1972. Les ouvriers du Joint français mènent une grève extrêmement dure, à Saint-Brieuc. Deux amis se retrouveront face à face. L'un est un des piliers du conflit, l'autre est CRS.


«On était à bout. Quand j'ai reconnu Jean-Yvon parmi les CRS, j'ai pété un plomb. Je l'ai pris par le colback et j'ai pleuré. Je lui disais, vas-y, tape-moi dessus. Il n'aurait jamais levé sa matraque sur moi...». Les années ont passé mais Guy Burniaux, ancien ajusteur, se souvient comme si c'était hier de ce6avril 1972. De ces quelques secondes d'une extrême intensité durant lesquelles il s'est révolté devant celui qui, pendant quatre ans, avait usé à ses côtés ses fonds de bleus de travail sur les bancs du lycée technique Curie, à Saint-Brieuc. «On était vraiment potes, se souvient Guy. On allait au bal ensemble. On draguait les mêmes filles. On nous appelait les inséparables». La vie fera que Jean-Yvon Antignac s'écartera de sa formation initiale pour rejoindre les rangs des forces de l'ordre. «Pas par conviction, précise Guy. Ilaurait très bien pu choisir une autre voie».

Une augmentation de 70 centimes demandée

Guy, lui, est resté fidèle à son métier, le travail du métal. Au Joint français, il était chargé de réaliser des moules dans lesquels étaient coulées des pièces en caoutchouc. À 25 ans, père d'un premier enfant, il ne touchait que 1.000francs par mois, pour 48heures de boulot par semaine. «Et en trois huit. C'était très dur. Il régnait une discipline de fer dans l'usine. Et l'été, la chaleur était telle que certaines femmes tombaient dans les pommes. Dans l'autre usine du groupe, à Bezons, dans la banlieue parisienne, ils touchaient plus que nous.

 

En faisant grève, on voulait rééquilibrer les salaires. On demandait 70 centimes d'augmentation par heure. C'était pas le Pérou». Le conflit se durcira très vite. Manifestations en ville, blocage de la nationale, séquestration des directeurs. Le gouvernement n'en peut plus de voir le millier de salariés du Joint français lui tenir tête. LaFrance entière s'intéresse à cette grève. Et la solidarité ouvrière joue à plein. «On est allé jusqu'à Clermont-Ferrand faire la quête à la sortie des usines Michelin, se souvient Guy. D'autres équipes étaient allées aux chantiers de la Ciotat et sur d'autres grands sites industriels. Cet argent nous a permis de tenir le coup».

«Je n'avais aucune rancoeurcontre lui»

La 6avril, les forces de l'ordre décident de frapper un grand coup en libérant l'usine occupée par les salariés. C'est à cette occasion que Guy et Jean-Yvon, décédé il y a une dizaine d'années, se retrouveront le temps de ce face-à-face irrationnel qui donnera lieu, quelques minutes plus tard, à une charge de CRS à laquelle Jean-Yvon ne participera pas. Les occupants de l'usine seront délogés. «Je n'avais aucune rancoeur envers lui. Ni aucun message politique à lui envoyer à la figure. Ça n'était pas mon style. J'étais engagé dans le conflit en tant qu'ouvrier. J'étais beaucoup moins politisé que certains de mes copains». La rencontre sera immortalisée par Jacques Gourmelen, journaliste à Ouest-France.

 

Une photo choc qui paraîtra le lendemain dans le quotidien. «Les collègues me disaient: T'as vu la photo? Je ne comprenais pas. Je n'avais pas vu le photographe». Les jours qui suivront, le cliché sera repris par les grands titres de la presse nationale, dont ParisMatch. «Et tous les soirs, jusqu'à la fin du conflit, on la voyait au journal télévisé. C'était l'image de rappel. Ça fait drôle de voir sa bouille comme ça, tous les jours, à la télé». Dans les mois et les années qui suivirent, elle figurera en couverture de publications d'extrême gauche. Guyétant devenu, à son corps défendant, le symbole de l'ouvrier luttant pour sa liberté contre l'État oppresseur. «Le sens de la photo a souvent été détourné», reconnaît-il.

«On se voyait régulièrement»

Après le conflit, Guy a quitté le Joint français, retrouvant du boulot très vite à Sambre et Meuse, une autre grosse entreprise briochine. «Les patrons de l'époque n'avaient pas fait le rapprochement entre le cliché et moi. Sinon, je n'aurais jamais eu le poste». Que s'est-il passé après? Guy et Jean-Yvon ne se sont jamais perdus de vue. «J'ai même formé son fils à l'usine. On se voyait régulièrement au PMU, le dimanche matin. On prenait un verre ensemble. Un jour, il m'a annoncé qu'il avait un cancer. Ça m'a foutu un sacré coup.Et puis, il est parti». À suivre Philip Plisson et la pointe des Poulains

  • Didier Déniel

Frères de classe

L'histoire de cette photo a donné lieu à un film, «Frères de classe», réalisé par Christophe Cordier. Le réalisateur, qui nous a mis en contact avec GuyBurniaux, explique qu'il a vécu une partie de son enfance avec cette photo punaisée sur la porte de sa chambre par son père. Ce dernier, très engagé politiquement, y voyait le symbole de la résistance de la classe ouvrière. ChristopheCordier a voulu réécrire l'histoire de ce cliché. À force de temps et de perspicacité, il a réussi à retrouver la plupart des protagonistes de cette scène. Dans ce documentaire, Christophe Cordier nous éclaire sur les liens qui unissaient les deux hommes et leurs proches. Mais aussi sur le long conflit du Joint français et la situation sociale dans le début des années soixante-dix.

Ce film est disponible sur DVD: Yumi production, 6, impasse Mont-Louis, 75011 Paris, tél.01.43.56.20.20.

 

arton83

 

Pour la Ligue Communiste (ancêtre de la LCR) la grève du Joint en 1972 fut fondatrice. Elle permit à la jeune organisation (datant de 1969) plutôt "ouvriériste", contrairement au reste de l'extrême gauche, et face à un PCF qui attendait les élections de 1973,  non plus d'expliquer mais de mettre en pratique concrètement la "solidarité ouvrière" en Bretagne pour aider à la victoire. La victoire de ceux du joint étant la victoire de tous les travailleurs et travailleuses surexploités dans les usines "pirates", aux conditions pires "qu'en région parisienne".

On est alors un peu passés à côté de la dimention bretonne qui "crevait les yeux",  de notre propre action, comme plus tard lors des marées noires et de Plogoff...

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26 juillet 2010 1 26 /07 /juillet /2010 10:10

26 juillet 2010 - Le Télégramme

Des Bigoudènes qui suivent des drapeaux rouges en forme de bannières de procession. Cette affiche, réalisée pour une petite conférence, est solidement ancrée dans la mémoire bretonne. À la grande surprise de son créateur, l'affichiste engagé Alain Le Quernec.

Dans son atelier quimpérois, l'affichiste AlainLeQuernec feuillette un tas d'affiches. «J'ai décidé de photographier tout ce que j'ai pu faire. Combien de clichés cela va-t-il représenter? Je ne sais pas». Peut-être quelques centaines. CarAlainLe Quernec, «qui fait des affiches comme on respire», a toujours été très sollicité. Certaines de ses réalisations, relayées par de grosses organisations, ont même fait le tour du globe. Comme cette affiche d'Amnesty International où l'on voit des prisonniers politiques enfermés dans un casque militaire. Ce visuel a été vendu à plus de400.000exemplaires. Rien à voir avec les Bigoudènes aux drapeaux rouges dont le succès a réellement surpris leur créateur.

 

«J'ai réalisé cette affiche en 1982 pour l'Union locale CGT. Il s'agissait d'annoncer une conférence, à Pont-l'Abbé, sur les grandes grèves sardinières de 1926/1927. Elle n'avait été tirée qu'à300 exemplaires». Alain Le Quernec s'était inspiré d'un bouquin de LouisGuilloux, «La maison du peuple». L'auteur briochin y racontait par le détail, la préparation des manifs. Ambiance fanfare, chansons et drapeaux rouges. «J'avais aussi eu sous les yeux des photos de manifs prises dans les années 20. On y voyait des forêts de coiffes. C'était impressionnant. Il n'y avait presque que des femmes. Les hommes étaient en mer».

La procession rouge

L'affichiste rapprochera ces rassemblements revendicatifs populaires des sacro-saintes processions religieuses, comme celle de Sainte-Anne-la-Palud (29). De leur mouvement plus exactement. Troquant les bannières pour des drapeaux rouges.Cette provocation de l'artiste sera très bien accueillie en terre bigoudène où l'on a toujours aimé se griser du vent de la révolte. «Cette image n'est pas irréaliste comme certains ont pu le croire. Elle est un fidèle reflet de l'Histoire». Installé face à son ordinateur bourré de logiciels graphiques hyperpointus, Alain Le Quernec explique qu'à l'époque, il travaillait d'une manière très artisanale. «Je faisais moi-même beaucoup de choses pour réduire au maximum les coûts de réalisation qui étaient très élevés. Une seule chose m'importait: le désir de voir mes affiches exister».

Née sur un bout de calque

Les Bigoudènes aux drapeaux rouges ont pris forme, tout simplement, sous la pointe d'un Rotring. «Je les ai dessinées sur un petit bout de calque de quelques centimètres de long. Puis j'ai projeté cette image sur un support plus grand pour la reproduire. Une technique qui permet de conserver l'intensité du mouvement». Après sa courte carrière sur les murs du Sud-Finistère, l'affiche d'Alain Le Quernec a fait l'objet de retirages réguliers avec la bénédiction de la CGT.

 

Pour se la procurer, il faut pousser la porte d'un bouquiniste quimpérois, situé sur les quais, qui a obtenu du syndicat l'autorisation de pouvoir la vendre. Quant à Alain Le Quernec, sa notoriété d'affichiste n'a cessé de grandir avec les années. «J'ai de moins en moins de demandes d'affiches revendicatives. C'est dommage». La dernière a été réalisée pour le Bugaled-Breizh. «J'étais ravi qu'on fasse appel à moi. Car ce naufrage m'avait bouleversé. Toutes affaires cessantes, je me suis mis au travail».

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20 juillet 2010 2 20 /07 /juillet /2010 17:20

 




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7 juillet 2010 3 07 /07 /juillet /2010 09:56

 

1934,

la grève générale à San Francisco

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28 juin 2010 1 28 /06 /juin /2010 10:09


Les conclusions de la commission d’enquête sur le Bloody Sunday ont enfin été révélées. Ainsi, les mensonges qui ont servi de ligne de défense à l’État britannique depuis 38 ans apparaissent enfin.

Il a fallu 921 témoins et 5 000 pages de rapport pour établir une vérité déjà connue : aucune des quatorze personnes assassinées le 30 janvier 1972 à Derry, en Irlande, par les parachutistes britanniques ne représentait un danger potentiel et rien ne justifiait leur exécution.

 

Cependant la responsabilité de l’État et de l’armée est écartée, alors qu’elle est pleinement engagée dans la préparation de l’opération, quel que soit le degré exact de préméditation, jusque dans le choix de couvrir et justifier les actes commis, pendant 38 ans. Mais il faut mesurer l’importance des déclarations de Lord Saville, en charge de la commission, pour les familles de ceux qui étaient jusque-là considérés comme responsables de leur propre mort et plus largement pour toute la population de Derry, qui les a accueillies avec un légitime sentiment de victoire.

Divisions et répressions
 


Au terme de la guerre d’indépendance en 1921, les Irlandais obtiennent la constitution d’un dominion (1) amputé des six comtés de l’Ulster (sur 9) , où une fraction importante de la population est dite « unioniste », au sens de fidèle à une unité maintenue avec le Royaume-Uni, et protestante. Cette indépendance très partielle divise la population au Sud, entraînant une guerre civile qui s’achève en 1923.

 

La nature de l’État qui se met en place au Sud – notamment la place centrale qu’y occupe l’Église catholique – et les privilèges dont bénéficient les protestants au Nord face à une population catholique discriminée sur les plans économique et démocratique, maintiennent une division volontaire entre protestants et catholiques peu favorable à une fraternisation, au Nord, de deux prolétariats dont les conditions sont pourtant proches.


À partir de 1968 émerge en Irlande du Nord un puissant mouvement des droits civiques qui exige l’égalité entre catholiques et protestants. Il s’oppose au gouvernement unioniste de l’Ulster. Le niveau d’affrontement s’accroît progressivement, la population catholique se trouvant menacée par les militants loyalistes(2) et le RUC(3).

 

À Derry, des barricades s’élèvent et la ville est déclarée zone libre par ses habitants. Le gouvernement unioniste d’Irlande du Nord, Stormont, sous forte pression de l’extrême droite loyaliste, est incapable de satisfaire la moindre revendication de la population catholique et la situation lui échappe. L’État britannique décide donc d’envoyer des troupes en août 1969, censément pour protéger les catholiques et contraindre Stormont à trouver les moyens d’un accord avec le mouvement des droits civiques. Très vite, l’armée britannique apparaît pour ce qu’elle est : l’organe chargé de maintenir l’ordre unioniste lorsque la répression locale ne suffit pas.

 

En août 1971, l’internement est réinstauré, permettant à l’État britannique d’emprisonner sans procès, l’idée étant de se débarrasser des fauteurs de trouble, notamment les membres de l’IRA, pour résoudre la situation. Cette pratique soude en fait la population catholique et contribue à permettre à l’IRA de s’implanter dans les zones urbaines, dont elle était à peu près absente jusque-là.


Cette fuite en avant produit Bloody Sunday. Stormont est en situation difficile, la rupture avec la population catholique est plus profonde que jamais, la communauté protestante ne voit pas sa loyauté récompensée, puisque le gouvernement ne résout ni les problèmes de sécurité ni les difficultés économiques. Dès lors, l’idée d’une offensive brutale et décisive contre la communauté catholique et en particulier la forteresse de Derry gagne du terrain.


Le 30 janvier 1972, l’association des droits civiques organise une manifestation pacifique contre l’internement, modifiant même le parcours pour éviter tout risque d’affrontement sérieux. Mais lorsqu’une partie des manifestants se retrouve face à une barricade de l’armée britannique, les parachutistes font irruption dans la rue et tirent à vue sans sommation, tuant quatorze personnes.

 

La fumée est à peine dissipée sur le Bogside (le quartier catholique de Derry) que l’armée est déjà en train d’élaborer la version officielle de l’État britannique, légitimée par un simulacre d’enquête conduite par Lord Widgery qui conclut que les parachutistes n’ont fait que riposter à des tirs de l’IRA et éliminer des porteurs d’explosifs. Or, aucune arme n’a été retrouvée sur les lieux pas plus que de traces d’explosifs sur les victimes, et aucun coup de feu décrit ne correspond aux coups de feu réellement tirés.


Le massacre entraîne d’importantes mobilisations partout dans le monde, aliène encore un peu plus la communauté catholique du Nord au Royaume-Uni, renforce l’IRA et amène Londres à reprendre le contrôle direct de l’Irlande du Nord.


Il a fallu 38 ans et une campagne intransigeante des familles des victimes et de leurs soutiens pour battre en brèche la version officielle. Reste maintenant, et c’est une autre affaire, à traduire les bourreaux en justice, en particulier ceux qui se situent au plus au niveau de l’État et de l’armée.


Ingrid Hayes


1. État autonome sur le plan de la politique intérieure mais demeurant au sein de l’Empire britannique. L’Irlande ne quitte le Commonwealth qu’en 1949. (note: et devient une république )
2. Favorables au maintien de l’Ulster au sein du Royaume-Uni (comme les unionistes, ceux-ci utilisent la terreur contre les civils catholiques qui ne sont pas tous "nationalistes-pacifiques" et encore moins "républicains-violents").
3. Royal Ulster Constabulary, police d’Irlande du Nord de 1922 à 2001.

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27 juin 2010 7 27 /06 /juin /2010 11:07

 

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18 juin 2010 5 18 /06 /juin /2010 13:42
 
Par Ernest Mandel le Mercredi, 21 Juillet 2004 PDF Imprimer Envoyer

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Notr du blog: En ce 18 juin, nous assistons à une orgie de célébration du grand homme qui a bien voulu nous "sauver" depuis Londres. Il ne sera pas question de ses idées réactionnaires, comme de ses contacts avec le descendant de Louis16 pour une éventuelle susccession... exactement comme Franco.  De ses graves magouilles usant de "services" et de "barbouzes", ici (avec la fin tragique du SAC de Pasqua lors de la tuerie d'Oriol) ou ou à l'étranger, décapitant des générations de démocrates en  Afrique, avec comme résultat la misère et encore la misère pour ce continent.  De son ingratitude envers ceux qui l'ont suivi: les harkis  toujours pas intégrés. De son état fort issu du coup d'état de 1958 et de sa constitution réactionnaire ("Le coup d'état permanent" selon Fanch Mitt'). Nous avons trouvé ceci sur le site de la LCR belge, et nous le passons en hommage aux "minoritaires".  Ils refusaient de mourir "pour la France", en réalité pour rétablir la bourgeoisie française dans ses revenus et ses colonies, et ont combattu consciemment pour l'émancipation de la classe ouvrière, contre leur propre bourgeoisie, pour l'internationalisme prolétarien... comme Ned Calvez ou Yves Bodenes:


http://andre-calves.org/ link

 

sur le travail en direction des soldats allemands link

 

Yves Bodenes link


 

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Le texte - inédit en français - que nous publions ici est une retranscription d'un exposé donné par notre camarade Ernest Mandel (décédé voici déjà 15 ans ) lors d'une école de formation sur l'histoire de la Quatrième internationale organisée par le Groupe Marxiste International à Londres en 1976. L'attitude politique et pratique des marxistes révolutionnaire vis-à-vis des guerres a toujours été étroitement liée à l'analyse de la nature de ces dernières. Cet exposé d'Ernest Mandel était ainsi destiné à répondre aux positions de certains courants (Lutte Ouvrière en France) pour qui la Deuxième Guerre Mondiale, à l'image de la Première selon eux, n'était qu'un conflit de nature strictement inter-impérialiste dans lequel les révolutionnaires n'avaient pas à soutenir les mouvements de résistance contre l'occupant nazi. Pour Mandel, au contraire, ce conflit a dialectiquement articulé cinq guerres de nature différente, à la fois entrelacées et autonomes les unes par rapport aux autres, ce qui déterminait des attitudes distinctes, dont le soutien et la participation à la résistance.

 

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Je vais aborder dans cet exposé la question de la Résistance en Europe entre 1940 et 1944. Depuis la fondation de l'Internationale Communiste  (Komintern) en 1919 , dans les pays impérialistes, les militants communistes ont été instruits dans le principe du rejet de "la défense nationale" ou de la "défense de la patrie". Cette position a signifié un refus total de s'impliquer dans n'importe quelle guerre inter-impérialiste. Le mouvement trotskyste a été instruit dans le même esprit. C'était d'autant plus nécessaire que, avec le tournant droitier du Komintern et le pacte Laval-Staline de 1935, les staliniens des pays de l'Europe de l'Ouest, et dans quelques pays coloniaux, se sont transformés en avocats du chauvinisme pro-impérialiste au nom de la "lutte anti-fasciste".


En Inde, par exemple, ce tournant a mené les staliniens à la trahison désastreuse du soulèvement national de 1942. Quand le soulèvement a éclaté, les colonialistes britanniques ont libéré les chefs du Parti Communiste Indien afin de les transformer en agitateurs contre la révolte et en propagandistes de la guerre impérialiste. Cette cruelle trahison a détourné les masses du socialisme qui se sont alors tournées vers le parti nationaliste bourgeois du Congrès dont l'influence n'a cessé de croître au cours des années suivantes.


Dans les pays impérialistes, notre mouvement a été fortement inoculé contre le nationalisme, contre l'idée de soutenir les efforts de guerre impérialistes sous quelque forme que ce soit. Ce fut un bon enseignement, et je ne proposerai nullement de remettre en question cette tradition. Mais cette dernière a laissé hors de considération certains éléments de la position léniniste, beaucoup plus complexe qu'on ne le croit, sur la Première Guerre Mondiale. Il n'est tout bonnement pas vrai que la position de Lénine puisse être réduite à la formule: "C'est une guerre impérialiste réactionnaire. Nous n'avons rien à faire avec elle". La position de Lénine était beaucoup plus sophistiquée. Il a ainsi déclaré qu':"Il y a au moins deux guerres, et nous voulons représenter une troisième". Cette "troisième guerre" étant la guerre civile révolutionnaire contre la bougeoisie, qui s'est effectivement déroulée en Russie.


Au sein du courant internationaliste qui n'a pas succombé au "social-patriotisme de la IIe Internationale", Lénine a mené une lutte déterminée contre une certaine forme de sectarisme qui ne voyait pas la distinction entre les deux guerres. Il a notamment précisé: “Il y a une guerre inter-impérialiste. Avec cette guerre nous n'avons rien à faire. Mais il y a également des guerres de libération nationale menées par des nationalités opprimées. Le soulèvement irlandais est à cent pour cent justifié. Même si l'impérialisme allemand a essayé d'en profiter, même si les chefs du mouvement national ont maille à partie avec les Allemands, ceci ne change en rien la nature juste de la guerre irlandaise d'indépendance contre l'impérialisme britannique. C'est la même chose avec la lutte de libération nationale dans les colonies et les semi-colonies, les mouvements nationaux indien, turc, persan”.

 

Et d'ajouter: “C'est également valable pour les nationalités opprimées en Russie et en Austro-Hongrie. Le mouvement national polonais est un mouvement juste, le mouvement national tchèque est un mouvement juste. Un mouvement de libération mené par n'importe quelle nationalité opprimée contre l'oppresseur impérialiste est un mouvement de nature juste. Et le fait que les directions de ces mouvements pourraient les trahir en les associant politiquement et administrativement à l'impérialisme est une raison de dénoncer ses chefs, mais pas de condamner ces mouvements en tant que tels”.


Si nous regardons le problème posé par la Deuxième Guerre Mondiale d'une manière plus dialectique, à partir d'un point de vue léniniste plus correct, nous retrouvons une situation extrêmement complexe. Je dirais, au risque de le souligner un peu trop fortement, que la Deuxième Guerre Mondiale était en réalité une combinaison de cinq guerres différentes. Cela peut sembler une analyse absurde à première vue, mais je pense qu'un examen plus approfondi le confirmera.


Cinq guerres


Tout d'abord, il y avait bien entendu une guerre inter-impérialiste, une guerre entre les impérialismes nazi, italien, et japonais d'une part, et les impérialismes Anglo-Américain-Français d'une part. Cette guerre était de nature réactionnaire, une guerre entre différents groupes de puissances impérialistes. Nous n'avons rien eu à faire avec cette guerre, nous étions totalement contre elle.


En second lieu, il y avait une guerre juste de défense nationale menée par le peuple Chinois, un pays semi-colonial opprimé, à l'encontre de l'impérialisme japonais. Malgré l'alliance de Chiang Kai-Shek avec l'impérialisme américain, rien ne pouvait justifier que les révolutionnaires modifient leur jugement sur la nature de la guerre chinoise. C'était une guerre de libération nationale contre une armée de pillards, les impérialistes japonais, qui ont voulu asservir les chinois. Trotsky était absolument clair et sans ambiguïtés sur cette quesiton. Cette guerre d'indépendance a commencé avant la Deuxième Guerre Mondiale, en 1937, et, d'une certaine manière, elle avait déjà commencé en 1931 avec l'occupation de la Mandchourie par les Japonais. Elle s'est ensuite entrelacée avec la Deuxième Guerre Mondiale, tout en restant un élément séparé et autonome de cette dernière.


Troisièmement, il y avait une guerre juste de défense nationale de l'Union Soviétique, un Etat ouvrier, même si bureaucratiquement dégénéré, contre une puissance impérialiste. Le fait que la direction soviétique s'est alliée, non seulement militairement - ce qui était absolument justifié - mais également politiquement avec les impérialismes occidentaux, n'a nullement modifié la nature juste de cette guerre. La guerre des ouvriers, des paysans, des peuples et de l'Etat soviétiques pour défendre l'URSS contre l'impérialisme allemand était une guerre juste, de n'importe quel point de vue marxiste qu'on l'analyse. Dans cette guerre nous étions à cent pour cent pour la victoire du camp soviétique, sans aucune réserve. Nous étions pour la victoire totale des soviétiques contre les criminels nazis.


Quatrièmement, il y avait une guerre juste de libération nationale des peuples coloniaux opprimés de l'Afrique et de l'Asie (en Amérique latine il n'y avait nulle part de tels mouvements), initiée par les masses contre l'impérialisme britannique et français, mais aussi contre l'impérialisme japonais - et parfois en même temps ou successivement contre ces impérialismes, comme ce fut le cas en Indochine (Vietnam). Il s'agissait là encore de guerres de libération nationale absolument justifiées et ce indépendamment du caractère particulier de la puissance impérialiste en question. Nous étions, avec justesse, en faveur de la victoire du soulèvement Indien contre l'impérialisme britannique, ainsi qu'avec le début d'un tel soulèvement à Ceylan (Sri Lanka), nous étions en faveur de la victoire des guérilleros birmans, indochinois, et indonésiens contre l'impérialisme japonais, français, et hollandais qui ont successivement occupé et opprimé ces peuples. Aux Philippines la situation était encore plus complexe.


Je ne veux pas entrer dans tous les détails, mais le point de départ est que toutes ces guerres de libération nationale étaient des guerres justes, indépendamment de la nature de leur direction politique. Il n'est pas nécessaire de placer sa confiance politique ou de donner un appui politique aux chefs d'une lutte particulière de libération nationale avant d'évaluer la justesse de cette lutte. Quand une grève est menée par des bureaucrates syndicaux envers lesquels vous n'avez aucune confiance, cela ne vous empêche nullement de soutenir la grève proprement dite.


J'en arrive à présent à la cinquième guerre, qui est la plus complexe. Je ne dirais pas qu'elle existait dans la totalité de l'Europe occupée par l'impérialisme nazi, mais elle fut particulièrement prononcée dans deux pays, la Yougoslavie et la Grèce, présente en grande partie en Pologne, et naissante en France et en Italie. C'était une guerre de libération menée par les ouvriers, les paysans, et la petite-bougeoisie urbaine opprimés contre les impérialistes nazis et leurs faire-valoir locaux. Nier la nature autonome de cette guerre reviendrait en réalité à dire que les ouvriers et les paysans d'Europe de l'ouest n'avaient aucun droit de lutter contre ceux qui les asservissaient à ce moment, ce qui est une position inacceptable.


Il est vrai que si la direction de cette résistance de masse demeurait entre les mains des nationalistes bourgeois, des staliniens ou des sociaux-démocrates, elle pouvait être par la suite trahie au profit des impérialismes occidentaux. Mais c'était justement le devoir des révolutionnaires d'empêcher que cette trahison se produire en essayant de disputer la direction de la conduite du mouvement. Empêcher une telle trahison en s'abstenant de participer à la résistance était illusoire.


Une variante de la révolution permanente


Quelles sont les bases matérielles qui expliquent en dernière instance la nature de cette cinquième guerre ? C'étaient avant tout les conditions inhumaines et l'exploitation féroce des travailleurs qui ont existé dans les pays occupés. Qui peut en douter ? Il est absurde d'expliquer que la seule véritable raison de la résistance était donnée par un certain cadre idéologique - tel que le chauvinisme des Français ou l'orientation des partis communistes. Une telle explication est un non-sens. Les gens n'ont pas combattu parce qu'ils étaient des patriotes chauvins. Les gens combattaient parce qu'ils avaient faim, parce qu'ils étaient sur-exploités, parce qu'il y avait des déportations massives de travailleurs forcés en Allemagne, parce qu'il y avait des exécutions de masse, parce qu'il y avait des camps de concentration, parce qu'il n'y avait aucun droit de grève, parce que les syndicats ont été interdits, parce que les communistes, les socialistes et les syndicalistes étaient mis en prison.


C'est pour cela que les travailleurs entraient en résistance, et non parce qu'ils étaient des "patriotes chauvins". Certains étaient souvent des chauvins également, mais ce n'était pas la raison principale de leur révolte. La raison principale était basé sur leurs conditions de vie matérielles inhumaines, leur oppression sociale, politique, et nationale, qui était si intolérable qu'elle a poussé des millions de personnes sur la voie de la lutte. Et, à partir de ce constat, il faut répondre à la question: était-ce une lutte juste, ou était-il erroné de se dresser contre cette exploitation et cette oppression ? Qui peut sérieusement argumenter que la classe ouvrière occidentale ou de l'Europe de l'Est aurait dû s'abstenir et rester passive face aux horreurs de l'oppression nazie ? Cette position est indéfendable.


Ainsi la seule position correcte était de comprendre qu'il y avait une cinquième guerre qui était également un élément autonome et entrelacé dans la guerre impérialiste qui a fait rage entre 1939 et 1945. La position marxiste-révolutionnaire correcte (je dis ceci avec une certaine tendance à l'auto-critique, parce qu'elle n'était défendue au début que par les trotskystes belges contre ce que j'appellerais l'aile droite et l'aile ultra-gauche du mouvement européen trotskyste à ce moment-là) peut se résumer comme suit: pour le soutien absolu de tous les combats et soulèvements de masse, armés ou non, contre l'impérialisme nazi en Europe occupée, afin de lutter pour les transformer en révolution socialiste victorieuse en essayant d'écarter de leur direction ceux qui liaient étroitement ces luttes avec les impérialismes occidentaux dans le but de sauvegarder le capitalisme en crise à la fin de la guerre - ce qui s'est malheureusement finalement produit.


Nous devons comprendre que ce qui a commencé en Europe en 1941 était véritablement une nouvelle variante du processus de la révolution permanente, un processus dynamique qui pouvait transformer le mouvement de la résistance en révolution socialiste. Je dis, "pouvait", mais dans au moins un exemple, c'est exactement ce qui s'est réellement produit: en Yougoslavie. Dans ce pays, un processus de révolution socialiste authentique a eu lieu et ce au-delà de toutes nos critiques sur la manière bureaucratique avec laquelle il a été mené à bien, les crimes qui ont été commis en son nom, ou les déviations politiques et idéologiques qui ont accompagné ce processus.


L'expérience yougoslave


Nous n'avons aucune intention d'être des apologistes de Tito, mais nous devons comprendre ce qui s'est passé. Ce fut un processus étonnant. Au début du soulèvement de 1941, le Parti communiste yougoslave n'avait que 5.000 membres actifs. Pourtant, en 1945, ce parti était à la tête d'une puissante armée d'un demi-million d'ouvriers et de paysans. Ce n'était pas là un petit exploit. Ils ont vu les possibilités et les occasions données par le processus révolutionnaire et ils se sont comportés comme des révolutionnaires - des révolutionnaires bureaucratiques-centristes d'origine stalinienne, si vous préférez, mais on ne peut nullement les appeller des contre-révolutionnaires.

 

Tout en chassant l'occupant nazi et ses complices, ils ont finalement détruit le capitalisme. Ce n'était pas l'armée soviétique, ni Staline qui a détruit le capitalisme en Yougoslavie, ce fut le Parti communiste yougoslave qui a mené cette lutte, ce qui explique fondamentalement la rupture consécutive et la lutte entre ce parti et le stalinisme soviétique.


Toutes les preuves ont été publiées - toutes les lettres envoyées par le Parti communiste de l'Union Soviétique aux Yougoslaves, et qui disaient en substance: "N'attaquez pas la propriété privée. Ne poussez pas les Américains à l'hostilité envers l'Union Soviétique en attaquant la propriété privée". Tito et les chefs du Parti communiste yougoslave ne se sont guère souciés de ces directives de Staline. Ils ont dirigé un authentique processus de révolution permanente dans le sens historique du mot, transformé un soulèvement de masse contre l'impérialisme nazi - un soulèvement qui a commencé sur une base d'inter-classiste, mais sous une conduite prolétarienne-bureaucratique - en révolution socialiste véritable. À la fin de 1945, la Yougoslavie est devenue un Etat ouvrier. Il y avait eu un soulèvement de masse gigantesque en 1944-45, les ouvriers ont occupé les usines, la terre a été occupée collectivement par les paysans - et plus tard par l'Etat, d'une façon exagérée et hyper-centralisée. La propriété privée des moyens de production a été en grande partie détruite.


Personne ne peut réellement nier que le Parti communiste yougoslave a détruit le capitalisme, même si ce fut par ses propres méthodes bureaucratiques, en réprimant la démocratie ouvrière, en exécutant même certains révololutionnaires accusés d'êtres "trotskystes" - ce qui n'était généralement pas le cas puisqu'il n'y avait aucune organisation trotskyste en Yougoslavie à ce moment là. Cette destruction du capitalisme n'a pas été le fait d'une simple direction bureaucratique aidée par une armée étrangère, comme ce fut le cas en Europe de l'Est, mais par une véritable révolution populaire, une énorme mobilisation des masses, une des plus importantes de l'histoire de l'Europe. Il faut étudier l'histoire de ce qui s'est produit en Yougoslavie. La seule comparaison que vous pouvez faire avec ce processus est ce qui s'est passé au Vietnam.


Entre opportunisme…


Ainsi, je pense que les révolutionnaires dans les autres pays occupés devaient fondamentalement essayer de faire ce que les communistes yougoslaves ont fait en Yougoslavie - naturellement avec de meilleures méthodes et de meilleurs résultats, en appliquant une authentique démocratie ouvrière directement exercée par les Conseils d'ouvriers, et non par une infime fraction bureaucratisée d'entre eux.


Il ne s'agit pas du tout ici de prétendre que si la révolution a échoué en Europe en 1945, la faute en retombe sur les révolutionnaires parce qu'ils n'auraient pas appliqué la ligne correcte dans le mouvement de résistance. Ce serait ridicule. Car, même avec la meilleure des lignes possible, le rapport des forces était tel que nous n'aurions pas réussi. Le rapport des forces entre les partis communistes et nous, le prestige des partis communistes, les liens entre ces derniers et l'Union Soviétique, le bas niveau de la conscience de classe ouvrière en raison d'une longue période des défaites, tout cela a rendu impossible pour le mouvement trotskyste de disputer réellement la direction du mouvement de masse aux staliniens. Les erreurs qui ont été commises, que ce soit par des dérives de droite et d'ultra-gauche, ont eu réellement peu d'effet sur l'Histoire. Elles sont simplement des leçons dont nous devons tirer une conclusion politique afin de ne pas répéter à l'avenir de telles erreurs. Nous ne pouvons pas dire que nous n'avons pas influencé l'histoire en raison de ces erreurs.


Ces leçons sont d'un double caractère. La majorité des camarades d'une des deux organisations trotskyste en France, le POI (Parti ouvrier internationaliste, qui était la section officielle de la IVe Internationale), a commis des erreurs droitières en 1940-41, cela ne fait aucun doute. Ils ont commencé à partir d'une ligne essentiellement correcte, celle que j'ai décrite précédemment, mais ils l'ont appliquée en allant trop loin. Dans l'exécution de cette ligne, ils ont conclu des alliances provisoires avec ce qu'ils ont appelé des secteurs de "la bougeoisie nationale".


Il faut préciser qu'une telle déviation reposait sur une phrase de Trotsky à l'appui de leur position. Il faut s'en souvenir avant de conclure trop hâtivement à un jugement sur ces questions. Cette phrase avait été rédigée au début d'un des derniers articles de Trotsky: “La France est transformée en nation opprimée”. Dans une nation opprimée il y n'a aucune raison de principe pour rejeter des accords provisoires et tactiques limités avec "la bougeoisie nationale" contre l'impérialisme. Mais il y surtout des conditions: il ne faut pas former un bloc ou une alliance politique avec la bougeoisie. Seuls les accords purement tactiques avec la bougeoisie nationale sont acceptables. Nous devrions, par exemple, avoir fait un tel accord lors du soulèvement de 1942 en Inde. C'est une question de tactique, pas de principe.


Ce qui était erroné dans la position adoptée par la direction du POI était de faire une extrapolation durable à partir d'un question provisoire dûe à une situation conjoncturelle. Si la France était devenue de manière permanente un pays semi-colonial dépendant, cela aurait été une autre histoire. Mais l'occupation nazie était une situation provisoire, un épisode dans la guerre impérialiste. La France, même militairement occupée, était restée une puissance impérialiste, avec des structures impérialistes, qui ont notamment été sauvegardées par De Gaulle afin d'exploiter les peuples coloniaux et maintenir intact son empire en Afrique. Modifier l'attitude envers la bougeoisie simplement à la lumière de ce qui s'est produit pendant quelques années sur le territoire français était une attitude erronée, elle fut le germe des principales erreurs politques.


Dans la pratique, cela n'a néanmoins pas mené à tout et n'importe quoi. Ceux qui disent que les trotskyistes français avaient "trahi" en faisant alliance avec la bougeoisie en 1940-41 ne comprennent pas la différence entre le début d'une erreur théorique et une intervention déloyale réelle dans la lutte de classe. Il n'y a jamais eu n'importe quel type d'accord avec la bougeoisie gaulliste. A chaque fois que des grèves ont eu lieu, les trotskystes français ont été à cent pour cent du côté des ouvriers. S’il s'agissait d'une grève contre les capitalistes français, les capitalistes allemands, ou une combinaison des deux, ils étaient systématiquement du côté des ouvriers. On ne peut confondre une erreur politique concrète et une erreur théorique réelle - qui, par la suite aurait peut-être pu avoir des conséquences graves, mais cela ne s'est pas produit. Qu'il s'agisse d'une erreur théorique importante, je ne le nie naturellement pas. Mais je pense que les camarades de la minorité du POI qui ont lutté contre cette erreur ont fait un bon travail, ce qui a permis, en 1942, de la surmonter en grande partie.


… et ultra-gauchisme


L'erreur sectaire inverse, cependant, était à mon avis beaucoup plus grave. Il s'agit ici de l'aile ultra-gauche du mouvement trotskyste qui a refusé de voir le moindre atome progressiste dans le mouvement de la résistance et qui a refusé de faire la moindre distinction entre la résistance de masse, la lutte armée de masse, et les manoeuvres et les plans du nationalisme bourgeois, des leaders démocratiques ou staliniens des masses. Cette erreur était beaucoup plus grave parce qu'elle a mené à l'abstention vis-à-vis de luttes importantes dans la vie des masses.


Ces camarades (comme le groupe de Lutte Ouvrière en France), qui persistent même encore aujourd'hui en confondant les mouvements de masse dans les pays occupés par le nazisme avec l'impérialisme, disaient entre autres que la guerre en Yougoslavie était une guerre impérialiste parce qu'elle a été conduite par des nationalistes, bouleversant ainsi complètement la méthode marxiste. Au lieu de définir la nature de classe d'un mouvement de masse par ses racines matérielles, sa composition sociale et la signification de ses objectifs, ils le font uniquement en se basant sur son idéologie.

 

C'est un pas en arrière inacceptable vers l'idéalisme historique. Quand des ouvriers se lèvent contre l'exploitation et l'oppression avec des slogans nationalistes, il faut reconnaître le caractère et la nature justifiée de leur lutte tout en luttant pour changer ces slogans. Pour les sectaires, au contraire, la lutte est forcément mauvaise puisque les slogans sont mauvais. Or, elle ne devient pas bourgeoise parce que les slogans sont bourgeois, c'est là une approche non matérialiste.


Trotsky avait prévenu avec précision le mouvement trotskyiste contre de telles erreurs dans son dernier document programmatique, "Le Manifeste d'alarme" de 1940. Il a souligné qu'il fallait faire attention à ne pas juger et confondre les travailleurs avec la bougeoisie lorsqu'ils parlent avec le vocabulaire de la "défense nationale". Il était nécessaire de distinguer ce qu'ils disaient de ce qu'ils ont signifié afin de juger la nature historique objective de leur action plutôt que les mots qu'ils ont employés. Et le fait que les sections sectaires du mouvement trotskyste n'ont pas compris cela, et qu’elles ont pris une position d'abstentionnisme face à un mouvement impliquant des centaines de milliers, voire des millions de personnes, était très dangereux pour l'avenir de la Quatrième internationale.


S'abstenir au nom de tels désaccords, pour des raisons idéologiques, aurait été absolument suicidaire pour un mouvement révolutionnaire vivant. Nous n'avons eu aucune section en Yougoslavie. Et si nous en avions eu une, il aurait été heureux qu'elle ne fusse pas sectaire. Autrement nous ne pourrions pas nous adresser aux communistes et aux ouvriers yougoslaves avec la légitimité que nous avons aujourd'hui. Notre première intervention en Yougoslavie a seulement eu lieu en 1948 et elle fut bonne, à tel point que nous pouvons maintenant parler avec une bannière sans tache et une autorité morale considérable en Yougoslavie.

 

Mais si la ligne de Lutte Ouvrière avait été appliquée dans la pratique entre 1941 et 1944 en Yougoslavie, et si les trotskystes yougoslaves avaient été neutres pendant la guerre civile, nous ne serions pas aujourd'hui très fiers et nous ne serions certainement pas en position forte pour défendre le programme de la Quatrième internationale. Car des communistes yougoslaves, qui plus tard sont devenus trotskystes, étaient des héros de la guerre civile, ce qui leur donne une grande autorité morale.


Traduction de l'anglais et intertitres : La Gauche.


(*) Ernest Mandel (Francfort, 1923- Bruxelles, 1995). Militant de la IVe Internationale et de sa section belge dès l’âge de 16 ans, Ernest Mandel fut l’un de ses principaux dirigeants. Journaliste au Peuple et à la Wallonie, puis fondateur de La Gauche, Mandel fut également un économiste internationalement reconnu et un penseur marxiste novateur. Auteur prolifique (ses ouvrages ont été tirés à plus de 3 millions d’exemplaires), il resta jusqu’à la fin de sa vie un révolutionnaire infatiguable.

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27 mai 2010 4 27 /05 /mai /2010 14:08

 

"Maurice et Jeanette. Biographie du couple Thorez" d'Annette Wievorka.

 

Maurice Thorez n'occupe que quelques lignes dans les livres d'histoire, et le nom de Jeannette Vermeersch s'estompe avec le temps. Une biographie de ce couple qui a pourtant marqué l'histoire du communisme français au XXe siècle vient les sortir de l'oubli relatif dans lequel même leurs amis politiques d'aujourd'hui préfèreraient les laisser.

« Maurice et Jeannette », le volumineux livre de l'historienne Annette Wieviorka, se lit parfois comme un roman, et même un roman d'amour, mais parfois aussi comme un traité d'histoire avec une plongée minutieuse dans une époque qu'on a peine à imaginer si on est né après la chute du mur de Berlin.

Une époque où le PCF recueillait les suffrages d'un quart de l'électorat français, où Joseph Staline apparaissait comme le soleil de l'univers, un temps aussi où les conquêtes sociales étaient à gagner, pas encore à sauver.

Pour être honnête, il s'agit moins d'une « Biographie du couple Thorez » comme le dit le sous-titre du livre, que d'une nouvelle biographie de Maurice Thorez -rendue possible par l'ouverture de nouvelles archives tout à fait éclairantes-, dans laquelle Jeannette Vermeersch trouve sa place, certes importante, mais sans plus.

« Je viens avec toi. Et cette fois c'est pour la vie. »

Les archives qu'a pu consulter Annette Wieviorka permettent de suivre le parcours exceptionnel du fils de la mine, devenu non seulement un leader politique de tout premier plan, mais aussi un ministre d'Etat à la Libération, dans le gouvernement d'union du général de Gaulle -un bon ministre selon tous les jugements-, et un acteur important du mouvement communiste international à une époque où il pouvait espérer s'imposer à l'échelle mondiale. (Voir la vidéo)

 

Et au milieu de ces âpres combats politiques, il y a une histoire d'amour, fusionnelle. Avec cette phrase culte lancée un jour par Maurice, 33 ans, marié et père de famille, à Jeannette, de dix ans sa cadette :

« Je viens avec toi. Chez toi. Et cette fois c'est pour la vie. »

C'était en 1934, et cela dura effectivement toute leur vie. Avec des moments douloureux, comme la difficulté pour le leader du mouvement ouvrier d'assumer un divorce, les années d'exil en URSS pendant la guerre ou pour être soigné deux années durant dans les années 50, ou encore une vie de famille durement affectée par les responsabilités politiques des deux parents.

Le déserteur, exilé en URSS

Au cœur de cette épopée, l'URSS, le centre de l'Internationale communiste tant qu'elle a existé (le Komintern fut dissous pendant la guerre), et qui restera jusqu'à la mort de l'un, comme de l'autre, LA référence absolue, au-delà des états d'âme ou des désaccords.

C'est en URSS que Maurice Thorez, après avoir déserté l'armée française en 1939 -ce qui lui sera vivement reproché- passera la Seconde Guerre mondiale, très isolé, marginalisé selon ses propres carnets consultés par Annette Wieviorka.

C'est en URSS encore qu'il partira plus de deux ans en convalescence, laissant son parti sans timonier. (Voir la vidéo de son retour en France)

 

Cette fidélité à Moscou, quoi qu'il advienne, a eu un prix pour Maurice Thorez, qui a dû avaler les nombreuses couleuvres des décisions unilatérales du Kremlin, comme le pacte germano-soviétique qui sema la consternation chez les communistes français, ou les changements de cap fréquents sur la collaboration avec les socialistes.

En exil à Moscou, Thorez commit un essai très virulent contre Léon Blum, dont Annette Wieviorka dit même qu'il contient quelques traits antisémites qu'on qualifierait aujourd'hui de « dérapages ». Pour mieux revenir de Moscou avec une instruction de Staline de jouer la carte de l'unité avec les autres forces de gauche, et se la voir violemment reprocher lorsque la guerre froide a divisé le monde en deux camps antagoniques. Mais Maurice resta loyal pour ne pas donner d'armes à la droite.

Les Thorez en vacances avec les Khrouchtchev

La principale couleuvre, la plus indigeste, fut en fait la déstalinisation, que le couple Thorez n'accepta pas. En Italie après la publication du rapport Khrouchtchev sur les crimes du stalinisme, Maurice et Jeannette se plaignent auprès de leurs camarades italiens :

« Que de boue ce Khrouchtchev a fait retomber sur nous tous ! Il a sali un passé éclatant, lumineux, héroïque. Quelle honte !

Staline avait commis des erreurs, violé la légalité, sévi contre de bons camarades. Qu'on le critique, même très durement, s'il le faut, mais de là à le couvrir de boue. »

Par la suite, les Thorez deviendront amis des Khrouchtchev lors de leurs vacances répétées en famille dans les stations balnéaires soviétiques, mais Maurice appartient à une génération de militants forgée dans la fidélité à Staline et il le restera jusqu'à sa mort, en 1964. (Voir la vidéo de ses funérailles impressionnantes au Père Lachaise)

 

Maurice Thorez a porté le PCF à son apogée historique au sortir de la guerre, il l'a fait entrer au gouvernement pour la première fois à la Libération, jusqu'à ce que la guerre froide l'en éloigne, pour n'y revenir que des décennies plus tard, après l'élection de François Mitterrand en 1981. Mais le rapport de forces au sein de la gauche avait déjà changé.

Le PCF n'est plus « le Parti de Maurice Thorez »

Annette Wieviorka fait ressortir les qualités personnelles incontestables de Maurice Thorez, et cite ce commentaire étrange de Jacques Fauvet, qui, avant de devenir le patron du Monde, suivait le PCF pour le quotidien du soir, et qui s'était demandé « quelle contribution il aurait pu apporter à la politique française si le destin l'avait conduit à la tête, non du Parti communiste », mais d'un parti plus classique. Sauf qu'un mineur du Nord avait peu de chances d'être le leader d'un autre parti que le PCF…

Les successeurs de Maurice Thorez ont depuis longtemps cessé de se référer à lui ou au PCF comme « le Parti de Maurice Thorez ». Trop « stal », trop marqué du sceau de la loyauté à tout épreuve vis-à-vis de Moscou.

Jeannette Vermeersch, qui lui a survécu, a même démissionné du bureau politique du PCF lorsque celui-ci a condamné l'entrée des chars soviétiques à Prague en 1968… En 1956, lorsque ces mêmes chars écrasaient la révolte de Budapest, elle avait applaudi des deux mains.

Des années après, en 1978, Jeannette Vermeersch a fait une apparition exceptionnelle à la télévision, dans une émission présentée par deux jeunots, Jean-Pierre Elkabbach et Alain Duhamel, dans laquelle elle cherche à présenter un personnage entier, inflexible, incorruptible, fermé aux évolutions des mœurs et de la société. (Voir la vidéo)

 

C'est une plongée dans un autre siècle, une autre époque, parfois même une autre planète. Et pourtant, à travers ce parcours humain et politique, se joue une partie de l'histoire politique française, dont on trouve encore les traces profondes aujourd'hui.


Maurice et Jeannette. Biographie du couple Thorez d'Annette Wieviorka - éd. Fayard - 686p. - 27€

A lire aussi sur Rue89 et sur Eco89
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24 mai 2010 1 24 /05 /mai /2010 10:41

24 mai 2010 - Le Télégramme Lorient


Voilà deux ans qu'elle s'en est allée, dans sa centième année. Un siècle de combats, de résistance, d'émancipation, de recherche de la vérité. L'ethnologue Germaine Tillion est LE symbole de la femme engagée. Thème d'un colloque qui se tient cette semaine à Lorient durant trois jours.


En 1974, elle avait posé ses valises à Plouhinec (56), sur les rives de la Petite Mer de Gâvres. Ici, on parlait de cette petite femme discrète, qui s'occupait avec passion de son jardin, de son potager et de sa serre, comme de la secrétaire du Général de Gaulle. Il n'en était rien, même si elle avait effectivement rencontré le Général à quelques reprises lors de la guerre d'Algérie.

 

D'où ce surnom qui lui est resté très longtemps dans son refuge morbihannais où elle venait, les deux tiers de l'année, se plonger dans ses livres, documents et travaux de recherches. L'ethnologue était une insatiable travailleuse depuis qu'elle avait décidé, dès son adolescence, qu'elle voulait comprendre le monde qui l'entoure. Le monde, le grand, celui qui tourne parfois à l'envers. Mais aussi le monde, les gens, ceux qui vivent autour d'elle.

 

Comprendre pour témoigner rigoureusement. «Elle était d'une maniaquerie absolue de la précision», explique Patrice Le Borgnic, l'un de ses proches amis qui vit à Auray. «Parfois, lorsque nous avions de longues discussions, elle me coupait quand je parlais et me disait: vous êtes sûr de ce que vous dîtes? Vous avez recoupé vos informations? Si ce n'est pas le cas, ne le dîtes pas...»

 

Comprendre déjà. À 27 ans, en 1934, quand elle part dans les Aurès, en Algérie, pour étudier l'organisation de la société semi-nomade des chaouïa. Elle s'intéressera particulièrement à la place de la femme dans cette société. Comprendre encore. Quand, pendant la Seconde Guerre mondiale, résistante dans le réseau du Musée de l'Homme, elle est arrêtée sur dénonciation et déportée à Ravensbrück, avec sa maman Émilie qui y sera gazée.

 

Avec tous les risques que cela comportait dans l'enfer concentrationnaire, clandestinement, elle étudiait et notait chaque jour le fonctionnement de ce camp. Pour rendre compte, un jour, peut-être. Comprendre toujours. En 1954, pendant la guerre d'Algérie, elle observe, collecte des témoignages et prend position contre la torture...

Une oeuvre toujours d'actualité

«Toute sa vie aura été faite d'engagements», raconte Armelle Mabon, enseignante à l'Université de Bretagne-Sud et qui a voulu en faire le thème du colloque qu'elle organise à Lorient. «Des engagements forts: pour l'émancipation de la femme, pour le libre arbitre, la souveraineté, le droit de résister, ne pas avoir peur de dire non... Des engagements qui ont une résonance encore aujourd'hui, ce qui prouve la modernité de son oeuvre». Une oeuvre entièrement vouée au partage avec l'autre. Au partage du savoir.

 

Germaine Tillion disait au sujet de son métier: «Si l'ethnologie, qui est affaire de patience, d'écoute, de courtoisie et de temps, peut encore servir à quelque chose, c'est à apprendre à vivre ensemble». «Elle avait un respect absolu de l'autre», confie Patrice Le Borgnic, «qu'il soit paysan dans les Aurès ou à Plouhinec.

 

Elle attachait à chacun la même importance. C'était vraiment une grande dame». Une grande dame éprise de justice, pour qui la soif de la vérité était comme le sang qui coulait dans ses veines. C'est ce qui la faisait vivre. Elle disait d'ailleurs: «Je pense, de toutes mes forces, que la justice et la vérité comptent plus que n'importe quel intérêt politique». Une phrase qu'a dû méditer Pierre Mendès-France. Il parlait d'elle ainsi: «Je n'ai jamais rencontré quelqu'un qui avait tant envie de convaincre».

  • Gaël Le Saout

lien vers la bio sur wikipédia

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23 mai 2010 7 23 /05 /mai /2010 12:23

(De Cannes) Quel film derrière les funestes polémiques ? « Hors la loi », de Rachid Bouchareb, a été montré ce matin à la presse avant la projection officielle dans la soirée. S'il est moins inspiré qu'« Indigènes », le film fait la lumière sur une période ambiguë des histoires française et algérienne à travers un drame familial.


Précédé par une douteuse polémique initiée par le député UMP des Alpes-Maritimes Lionnel Luca, le « Hors la loi », de Rachid Bouchareb, objet de tous les commentaires depuis plusieurs semaines, a enfin déroulé ses bobines vendredi au festival de Cannes. (Voir la bande-annonce)

Ambiance des grands jours dès potron-minet… Escadrons de gendarmerie installés partout sur la Croisette, fouille minutieuse des journalistes à l'entrée de la projection matinale de 8h30 (celui qui porte un blouson avec plusieurs fermetures Eclair est très, très emmerdé) et attente un rien fébrile dans la salle.

« Hors la loi » : lumière sur des zones d'ombre de l'Histoire

Quatre ans après « Indigènes », salué à Cannes par un prix d'interprétation collectif, Rachid Bouchareb poursuit son flash-back nécessaire, direction les zones d'ombre de l'Histoire nationale et le rapport de la France avec ses enfants d'Algérie, période coloniale.

Dans un cinéma français si souvent frileux et timide face à son passé qui ne passe pas, l'activisme de Bouchareb et de ses acolytes (en premier lieu Jamel Debbouze, co-producteur) fait judicieusement tache dans le paysage.

Contrairement à ce que laissait supposer l'indignation de Luca et consorts (consécutive à une lecture supposée du scénario), « Hors la loi » n'est pas consacré au massacre de Sétif, le 8 mai 1945.

Seul le début du film (un petit quart d'heure) met en scène les « événements » sanguinaires, longtemps dissimulés sous la chape de plomb de la mauvaise conscience nationale.

L'histoire racontée par le film prend ses racines le 8 mai et bien plus tôt encore (un prologue met en scène l'expropriation d'une famille algérienne en 1925) mais, d'un point de vue strictement fictionnel, elle commence après.

Bouajila, Zem, Debbouze : guerre fratricide

« Hors la loi » raconte l'itinéraire en leur temps de trois frères : Saïd, Messaoud et Abdelkader. Arrêté pour activisme suite au massacre de Sétif, ce dernier (Sami Bouajila, impeccable) croupit de longues années à la prison de la Santé, à Paris. Il y consolide son engagement aux côtés du FLN.

Messaoud (Roschdy Zem), soldat de l'armée française, combat en Indochine. Saïd (Jamel Debbouze), lui, décide de quitter l'Algérie et de s'installer en France. Il trouve « refuge » dans le bidonville de Nanterre et comprend rapidement que le meilleur moyen de faire du fric est de s'adonner à diverses magouilles du côté de Pigalle. Les trois frères se retrouvent, mais n'empruntent en rien le même chemin.

L'Irak vu par Cannes

Parano U.S.

Dans « Fair Game », Doug Liman évoque l'affaire Valérie Plame, histoire véridique de cet agent de la CIA qui découvre l'absence d'armes de destructions massives en Irak.

Résultat : une fiction gentiment paranoïaque qui n'invente rien, ouvre quelques portes déjà bien ouvertes, mais se laisse regarder sans déplaisir, en premier lieu grâce à la prestation de Naomi Watts et Sean Penn.

Un petit Loach

Avec « Route Irish », Ken Loach filme l'enquête dépressive d'un ex-mercenaire anglais engagé en Irak. Son meilleur pote est mort sur place et il cherche à comprendre pourquoi.

Loach semble embarrassé par son intrigue et ses enjeux psychologiques.

L'enquête est laborieuse et les personnages -fait rare chez le metteur en scène- sont tout juste esquissés.

« Hors la loi » suit leur destin à Paris, jusqu'à la déclaration d'indépendance de 1962. Bouchareb, entre autres, met en scène l'activisme des militants FLN, prêts à tout pour entraîner leurs frères dans leur lutte. Impôt révolutionnaire, « pression » sur les compatriotes qui rechignent à militer et, pour certains, bossent en tant que fonctionnaires lambda pour la police française, assassinat des traîtres qui s'opposent à leurs options jusqu'au-boutistes.

Ambiguïté partout

Une cause juste justifie-t-elle tous les moyens ? La guerre exclut-elle tout sentiment ?

Si « Hors la loi » retrace une époque très peu fréquentée (euphémisme) par le cinéma français, montre les exactions policières et l'oppression, il cherche surtout à rendre compte des cas de conscience de ses personnages, aux prises avec une lutte à tout point de vue « fratricide ».

Les affrontements et contradictions qui rythment les relations entre les trois frères reflètent une période ambiguë.

Bouchareb ne s'adonne en aucun cas à la description de combattants indépendantistes parés de toutes les vertus. Plus subtil, le cinéaste donne à voir l'ambivalence déchirant son microcosme familial et, à travers elle, les difficultés à venir de l'Algérie indépendante.

De l'Algérie et des Algériens, dans leur pays et en France. De quoi alimenter plusieurs films à venir…

Même si « Hors la loi » souffre d'une certaine raideur didactique et, formellement, paraît moins inspiré qu'« Indigènes », son importance ne fait pas l'ombre d'un doute.

Quant aux polémiques déjà mentionnées, elles semblent encore plus absurdes après avoir découvert le film. Les manifestations organisées aujourd'hui à Cannes pour protester contre sa présence en compétition n'y changeront rien.

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