C'était il y a trente ans, à l'issue des élections législatives d'octobre 1982, Felipe Gonzalez, le dirigeant du Parti socialiste espagnol, le PSOE,
majoritaire à ces élections avec 48 % des voix et 118 députés -- venait d'être nommé président du gouvernement. À sa gauche, le Parti communiste de Santiago Carrillo recueillait 4,02 % des
voix, et quatre sièges seulement.
Sept ans plus tôt, le 20 novembre 1975, mourait Franco. Les militaires au pouvoir depuis trente-six ans, responsables d'une répression impitoyable, du manque
de libertés et de la misère des classes populaires, n'avaient plus qu'à quitter le devant de la scène en laissant les dirigeants des partis civils mettre en place un régime semblable à celui
qui existait dans les autres pays européens : une démocratie bourgeoisie au service des possédants.
La « transition », un risque calculé pour la bourgeoisie...
Dès 1976 une période de transition s'était ouverte, marquée par des réformes institutionnelles. Marquée aussi par le développement d'un formidable espoir dans les
classes populaires. La petite bourgeoisie, qui voulait plus de libertés dans tous les domaines de la vie politique, sociale et culturelle, put rapidement trouver son compte et obtenir le droit
de s'exprimer librement et de vivre comme bon lui semblait. La société respirait. Les politiciens des partis de droite ralliés au parlementarisme, comme ceux des partis de gauche, voulaient
conquérir cet électorat potentiel et se présentaient comme les meilleurs garants des réformes démocratiques.
En revanche, la classe ouvrière, qui avait payé le plus lourd tribut à la dictature, dut se rendre compte que le système qui se mettait en place n'était pas
destiné à limiter la soif de profits des capitalistes et des banquiers. Ceux-ci n'acceptaient les réformes « démocratiques » qu'à condition qu'elles leur laissent toute liberté pour exploiter
la classe ouvrière.
Pourtant, au cours des dernières années de la dictature, les classes populaires avaient mené des grèves, des manifestations, pour imposer le droit de s'organiser,
de s'exprimer et aussi de défendre les salaires, l'emploi, afin d'obtenir des conditions d'existence et de travail plus dignes. Un espoir que les exilés politiques de la période franquiste
partageaient en préparant leur retour en Espagne.
Les dirigeants politiques de droite qui avaient vu comment, au Portugal, en 1974, la fin de la dictature avait entraîné une crise sociale et politique, choisirent
de s'appuyer sur les partis de gauche en train de se reconstituer (le PCE et le PSOE) pour les intégrer à la « transition ».
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