Pendant que le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, lisait son discours sur l’état de la Nation, le 20 février dernier, une femme s’immolait par le feu dans une succursale bancaire de Castelló (région de Valence). Brûlée à 50%, elle serait une victime de plus des cas des saisies immobilières qui se multiplient dans le pays : 362 776 saisies depuis 2008, d’après une étude de la Plateforme des victimes de crédits hypothécaires (PAH), une association citoyenne. L’issue est parfois fatale… Depuis l’été dernier, une quinzaine de personnes se sont défenestrées le jour où elles allaient être expulsées de leur domicile.
Pas un mot, pourtant, du chef du gouvernement sur ce sujet dans son discours. Sauf lorsque les députés de la gauche plurielle (minoritaires) ont insisté sur la nécessité de réformer la loi sur les hypothèques, l’une des plus drastiques et obsolètes – elle date de 1909 – d’Europe. En Espagne, toute personne se retrouvant en défaut de rembourser son crédit immobilier, perd non seulement sa maison mais est condamnée à rembourser le reste du prêt concédé par la banque, prêt qui ne fait qu’augmenter avec les taux d’intérêt variables et les pénalités pour retard de paiement.
Business et spéculation sur la misère
Petit exemple pratique pour bien comprendre le « jeu de bonneteau » des banques avec les crédits hypothécaires… Une famille souscrit un prêt immobilier pour acheter une maison, mais se retrouve en défaut de paiement quelques années plus tard. Si aucun accord de refinancement de la dette n’est atteint avec la banque, la propriété est saisie et mise en vente par adjudication judiciaire. La loi espagnole autorise les banques à participer à ces enchères et à racheter les propriétés à un minimum de 60% de leur valeur initiale si elles sont les seules à enchérir. Mais elles ont trouvé une parade pour contourner la loi à leur profit : elles ont créé leurs propres sociétés immobilières qui interviennent aussi dans les enchères comme « tiers » et qui peuvent donc racheter les propriétés à un pourcentage encore plus bas de leur valeur initiale. Tout reste donc dans le patrimoine de la banque ! Résumons : dans le « meilleur » des cas, la banque réussit non seulement à se faire rembourser le prêt majoré des pénalités de retard, mais elle dégagera aussi un bénéfice avec la revente de la propriété.
D’où un projet de loi citoyen – une initiative législative populaire (ILP) – lancé par les victimes de crédits hypothécaires, et soutenu par les députés de gauche. Ce projet demande l’arrêt des expulsions des logements principaux, l’instauration de loyers sociaux, et la possibilité pour les personnes endettées de rembourser leur dette sous le principe de la « dation en paiement », un principe qui permet de payer sa dette en l’échangeant contre un autre bien [1]. L’initiative a obtenu 1,4 million de signatures, soit largement de quoi pouvoir la soumettre au débat parlementaire.